Il y a des livres qu’on n’oublie pas. Six ans après sa parution, Pulp poiesis brûle encore. Ce recueil incandescent d’Alizée Pichot continue de hanter les consciences, d’irriguer les silences.
Publié le 3 juillet 2019, il ne se contente pas d’exister : il palpite, il rugit, il saigne à chaque relecture. Journaliste indépendante et poétesse éveillée, la poétesse y livre une œuvre à vif, frontale, organique — un cri du cœur et du corps, entre colère politique et quête d’amour. Pulp poiesis n’a rien perdu de sa puissance. Au contraire : il résonne aujourd’hui avec une acuité presque prophétique.
Dans Pulp poiesis, Alizée Pichot n’écrit pas, elle saigne sur la page, elle dépose sur le papier la pulpe vive de ses nuits, les nerfs à nu de ses vertiges. Dès les premières lignes, l’écriture s’impose comme une respiration haletante, une lutte, une expiation, une offrande.
Ce recueil est une plongée vertigineuse dans un monde où les mots sont matière, chair, sueur, lumière, feu et silence. Il ne suit aucun fil narratif classique : c’est un flux poétique continu, fragmenté, comme une conscience traversée par des éclairs de lucidité et des tempêtes sensorielles.
Une langue-fleuve, une grammaire défaite, une syntaxe habitée
Le style d’Alizée Pichot est inclassable : il tangue entre prose poétique, incantation, spoken word et oraison intérieure. Elle sabote volontairement la ponctuation, laisse les phrases s’étirer comme des vagues jusqu’à l’essoufflement, puis revient à la ligne pour relancer le souffle. L’effet est hypnotique, musical, haletant.
« Les sons, les couleurs s’affadissent / Place à la lumière alors / Place aux jours meilleurs / Aquatique sensation / Lâcher-prise / Enfin. »
On entend la mer dans cette syntaxe, les battements du cœur, le flux et le reflux des émotions. On pense parfois à Valérie Rouzeau, à Sylvia Plath, à Gherasim Luca. Mais Pulp poiesis n’imite personne, il forge sa propre loi intérieure.
Un corps qui écrit, une écriture du corps
L’un des traits les plus puissants du livre est son érotisme viscéral, jamais gratuit, toujours chargé d’intensité existentielle. L’écriture est corporelle, tactile, sexuelle, mais aussi maternelle, douloureuse. Elle explore l’anatomie féminine comme un territoire de lutte et de mystère :
« Ma nuque tendue par des cordes de cristal / Menace de céder sous la brise délicieuse / Celle de ton passage sur ma peau réveillée. »
Le corps féminin y est tantôt un sanctuaire, tantôt un champ de bataille. Il porte la mémoire des violences, la jouissance, la solitude, la maternité fantasmée. Pulp poiesis est un livre transpirant : il sent la peau, l’encre, les larmes, le sang et le sexe.
Entre féminité, trauma, désir, ville, chaos et renaissance
Ce livre est habité par les femmes, par leurs voix étouffées et leurs rugissements intérieurs. Il est dédié à toutes celles qui ont pleuré en silence, aimé avec fracas, résisté dans le secret.
« Femmes, je vous aime. / Comme je cherche en moi / L’amour qui nous lie […] / En nous brûle une flamme éternelle. »
Mais Pulp poiesis est aussi un livre de colère politique, où le féminin affronte le patriarcat, les violences sexuelles, la guerre, la dépossession. Il dénonce sans didactisme, à travers la force brute de l’image et du ressenti. L’urbanité y est présente, à travers le bitume, la nuit, la ville malade, l’homme aveugle.
Une esthétique du vertige et du sacré
Le livre oscille sans cesse entre les ténèbres du traumatisme et la lumière d’un espoir mystique. La poésie y devient un rituel de rédemption, une forme de sacré païen. Il y a de la mystique dans ces lignes, des visions, une conscience planante.
« Je lis dans mes pensées je parle seule, / Décrit des épopées infinies polluées d’émotions / Mais dorées d’elles aussi. »
L’imaginaire convoque les éléments – eau, feu, terre, air – et confère au texte une texture sensorielle. On sent la glaise, la mousse bleue, l’améthyste, les plumes de sel. Lire Pulp poiesis, c’est avoir les mains pleines d’images, c’est éprouver la langue physiquement.
Un manifeste intime et universel
Dans une époque où la poésie est souvent marginalisée ou aseptisée, Pulp poiesis surgit comme un manifeste vivant. Il rappelle que la poésie peut brûler, libérer, déranger, consoler, hurler. Il donne voix aux luttes invisibles, aux douleurs intimes et aux désirs interdits. Il résonne avec les combats féminins contemporains et propose une spiritualité du verbe, sans dogme.
Pour qui ? Pourquoi ? Et jusqu’où ? Pulp poiesis
Ce livre s’adresse à celles et ceux qui lisent avec le cœur ouvert, à ceux qui aiment les textes bruts, sensibles, charnels. À ceux qui cherchent plus qu’un beau livre : une rencontre, un ébranlement, un miroir troublant.
Une poétesse-journaliste entre engagement et incandescence
Alizée Pichot est journaliste indépendante. Elle écrit depuis le bas âge, et la poésie l’a rattrapée dans son sillon. Passionnée d’art, de culture et de littérature, elle a vite compris l’enjeu du pouvoir des mots, de leurs rôles dans les sociétés et les groupes sociaux quels qu’ils soient. Intellectuelle amoureuse des lettres compliquées, elle aime avoir les pieds sur terre, éveillée. C’est cette tension entre la lucidité critique du journalisme et l’élan incandescent de la poésie qui nourrit Pulp poiesis, son œuvre fulgurante. Une voix qui refuse les cases et brûle les silences.
Un objet littéraire incandescent
Pulp poiesis est un livre rare, de ceux qui ne se contentent pas d’être lus : ils s’infiltrent en vous, ils restent, ils hantent. Il se place dans une tradition de poésie vivante, proche du cri, de l’extase, de la transe.
Ce livre dit l’indicible. Il dit la beauté d’exister malgré tout. Il transforme la douleur en or, la honte en chant, le silence en lumière. C’est un acte de résistance poétique. Un acte d’amour. Un poème vivant.
Alizée Pichot est journaliste indépendante. Elle écrit depuis qu’elle sait le faire, et la poésie l’a rattrapée dans son sillon. Passionnée d’art, de culture et de littérature, elle a vite compris l’enjeu du pouvoir des mots, de leurs rôles dans les sociétés et les groupes sociaux quels qu’ils soient. Intellectuelle amoureuse des lettres compliquées, elle aime avoir les pieds sur terre, éveillée.
Masand Mafuta