L’Institut Français de Lubumbashi a accueilli, le vendredi 19 septembre 2025, un événement inédit centré sur le renouveau de l’art visuel dans la région du Grand Katanga. Cette conférence de presse, organisée dans le cadre de l’Insta-Perf-Expo « Hangar », a marqué les esprits par sa réflexion sur l’identité artistique locale, enrichie par une mémoire collective et des perspectives d’avenir, une initiative portée par Master’Art Studio.
D’emblée, le conservateur principal et directeur adjoint du Musée National de Lubumbashi, le Professeur Philippe Mikobi, a retracé, à travers son intervention, les trois grandes époques de l’art au niveau local : précolonial, colonial et postcolonial. Cette approche historique a permis de mieux cerner les mutations culturelles influençant la création artistique à Lubumbashi, ouvrant ainsi la voie au projet « Hangar », qui vise à reconnecter l’art contemporain à ses racines.
« À travers ce projet, nous visons un apport significatif à l’art katangais auprès de la population. Aujourd’hui, nous produisons de l’art par époque, sans authenticité. C’est un problème mental auquel nous devons réfléchir. Il est essentiel de revenir vers nos racines pour reconnecter l’art contemporain et retrouver notre identité », a-t-il affirmé lors de son allocution.
L’artiste visuel et coordonnateur de Master’Art Studio, Olivier Fall, a constaté l’écart existant entre Lubumbashi et Kinshasa en matière de structuration artistique. Il a dressé un constat préoccupant sur la tendance de certains artistes à travailler de manière isolée, négligeant ainsi le travail collectif.
« Le Lushois travaille trop souvent en solo. Le but de Master’Art Studio est de créer un écosystème de collaboration et d’inspiration collective à partir du Katanga », a-t-il souhaité.
L’art katangais à la croisée des chemins : entre héritage et innovation
La ville de Lubumbashi a longtemps été considérée comme un foyer de création artistique foisonnante. Aujourd’hui, elle fait face à une remise en question profonde : quelle est son authenticité artistique ? La dimension féminine dans l’art a également été mise en avant.
Selon les études menées par Hervé Kafund, directeur artistique de Master’Art Studio, près de 90 % des représentations artistiques locales sont féminines, témoignant du rôle central de la femme dans l’imaginaire et la production artistique katangaise.
De son côté, Didier Besongo, administrateur de Master’Art Studio, a souligné que la femme est une source d’inspiration dans tous les domaines de la vie.
« L’apport de la femme dans l’art visuel est capital. Elle est au centre de toutes les innovations, que ce soit dans l’art ou dans n’importe quel autre domaine de la vie », a-t-il insisté.
Par sa philosophie, Master’Art Studio affirme sa volonté de professionnaliser l’artiste visuel local en lui offrant des outils et des cadres de formation adaptés, sans qu’il ait besoin de quitter la ville.
Le projet Tayari, récemment lancé, s’inscrit dans cette même logique. Il s’agit de motiver, structurer et promouvoir les talents locaux, tout en incitant la presse à jouer un rôle central dans la médiation et la valorisation de l’art.
« L’artiste est d’abord un acteur économique. Aujourd’hui, il ne suffit plus de créer, il faut aussi savoir vivre de son art. Il est important de reconnaître que l’artiste est un professionnel. Auparavant, la pratique n’était pas commerciale, mais avec le temps, d’autres métiers s’ajoutent pour permettre à l’artiste de vivre et de contribuer également à la médiation de l’art », a rappelé Didier Besongo.
Cette conférence de presse a vu la participation de Jean Katambayi et Prodige Makonga, respectivement président du centre d’art Picha et représentant du centre d’art Waza. Ils ont tous deux insisté sur la nécessité de créer une synergie durable entre les acteurs culturels locaux, de renforcer les liens entre artistes et d’enrichir la scène artistique lushoise en l’ouvrant au dialogue interrégional.
Cette activité s’est conclue par une annonce majeure : la sortie officielle du projet « Hangar » est prévue pour le 19 octobre prochain, à l’Académie des Beaux-Arts de Lubumbashi. L’événement prendra la forme d’une exposition interimmersive, réunissant artistes, institutions et passionnés de culture autour d’une vision partagée de l’avenir de l’art visuel katangais.
Ce projet se présente comme un levier structurant pour l’art visuel en RDC, capable de redéfinir les repères de toute une génération.
Cécile Mulumba