Dans le cadre du festival Kokutan’Art, la photographie prend une nouvelle dimension en République du Congo. Né d’une initiative conjointe entre Lebon Chansard Ziavoula, connu sous le pseudonyme de Zed Lebon, et Mbongui Art Photo, avec le soutien de l’Institut Français du Congo et de partenaires européens, ce rendez-vous annuel réunit des photographes nationaux et internationaux autour d’une vision commune : valoriser la photographie d’auteur en Afrique.
Zed Lebon, figure emblématique de cette aventure culturelle, nous livre un entretien exclusif, dévoilant les coulisses et les ambitions d’un événement qui aspire à devenir le phare de la photographie contemporaine en Afrique centrale.
CultureCongo : Pouvez-vous nous présenter le concept et l’histoire du festival Kokutan’Art ?
Zed Lebon : Kokutan’Art tire son nom de « Kokutana », qui signifie « Rencontres » en lingala, l’une des principales langues nationales du Congo. Initié par moi-même et Mbongui Art Photo, avec le soutien de l’Institut Français du Congo à Brazzaville, de la Délégation de l’Union européenne en République du Congo et du centre contemporain Les Ateliers Sahm, Kokutan’Art est un rendez-vous pour les photographes nationaux et internationaux. Ce festival est un moment de réflexion et d’échange visant à valoriser le métier de la photographie et à promouvoir une pratique professionnelle en Afrique, particulièrement en République du Congo. Il propose des ateliers, des expositions, des rencontres professionnelles, des projections et des échanges pour créer une plateforme d’expression pour les photographes africains et promouvoir la photographie contemporaine du Congo et du continent. Lancé en 2021, le projet vise à offrir aux photographes nationaux et régionaux un cadre permanent d’expression et de promotion de la photographie d’auteur, à l’instar de la Biennale de Bamako.
CultureCongo : La quatrième édition s’est déroulée du 21 mai au 21 juin 2024 à Brazzaville. Quel était son thème et quels étaient ses objectifs ?
Zed Lebon : La quatrième édition du Festival était axée sur le thème de l’urgence climatique. Le changement climatique est une réalité préoccupante qui impacte notre planète de manière visible à travers des phénomènes tels que l’ensablement, la pollution des cours d’eau, les tempêtes de plus en plus violentes et la perte de biodiversité. Les photographes étaient invités à capturer des images illustrant cette urgence, tout en explorant les divers aspects de l’impact climatique ainsi que l’espoir et le potentiel de changement.
CultureCongo : Pouvez-vous nous citer les pays qui ont participé à cette édition ?
Zed Lebon : La quatrième édition a vu la participation de photographes et d’experts (commissaire d’exposition, théoricienne de l’art, professeur en école des beaux-arts) des pays suivants : Congo, Burkina Faso, France, Mali, Niger, République Démocratique du Congo, Sénégal, Togo et Tunisie.
CultureCongo : Quels ont été les critères de sélection pour les photographes participant au festival ?
Zed Lebon : Nous avons sélectionné et invité les photographes dont les travaux étaient en rapport avec le thème de cette édition du festival.
CultureCongo : Combien de photographes et d’œuvres ont été exposés cette année ?
Zed Lebon : Trois sites ont accueilli les expositions de la quatrième édition, du 21 mai au 21 juin : l’Institut Français du Congo à Brazzaville, Les Ateliers Sahm et la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines de l’Université Marien Ngouabi. En tout, 11 photographes ont présenté 90 œuvres.
CultureCongo : Les photographes africains étaient-ils majoritaires ? Comment le festival a-t-il soutenu les talents locaux ?
Zed Lebon : Le festival Kokutan’Art est une plateforme où photographes africains et européens partagent les valeurs universelles de la photographie. Il favorise les échanges sur l’avenir de la photographie en Afrique et soutient les talents locaux en offrant une visibilité internationale.
CultureCongo : Quelles sont les principales activités qui ont été réalisées (ateliers, conférences, projections, etc.) ?
Zed Lebon : Le festival a inclus diverses activités : deux échanges autour des thèmes « Urgence » et « Toute photographie est-elle une œuvre d’art ? », des rencontres professionnelles, et une visite touristique organisée avec le Ministère de l’Industrie Culturelle, Touristique, Artistique et des Loisirs, qui a mis à notre disposition un bus via l’Office de Promotion de l’Industrie Touristique (OPIT). Cette visite a permis aux festivaliers de découvrir plusieurs sites emblématiques de Brazzaville.
Un concours photo national, soutenu par la Délégation de l’Union européenne en République du Congo, a également eu lieu. Le jury international, composé d’Elise Billiard Pisani (France), John Kalapo (Mali) et Ralff Lhyliann (Congo), a récompensé trois jeunes photographes congolais. Un atelier d’apprentissage de la photographie, animé par Elise Billiard Pisani, a été organisé du 18 au 21 mai à l’Institut Français du Congo, abordant des techniques comme la camera obscura, l’anthotype et le cyanotype. L’exposition photo trinationale du Projet Combo, impliquant des photographes de France, d’Allemagne et du Congo, a aussi été présentée. Ce projet sera exposé à Lille (France) en septembre prochain.
CultureCongo : Comment le festival s’intègre-t-il dans la communauté locale et encourage-t-il la participation du public ?
Zed Lebon : Le festival organise des projections de diaporamas photo et de films documentaires dans des espaces publics pour inciter le public à découvrir la photographie sous toutes ses formes et à développer un esprit critique à travers une analyse approfondie des images. Il propose aussi des expositions dans différents espaces culturels, un concours photo pour les jeunes créateurs et un atelier pour les photographes émergents. Ce programme vise à faire du Festival Kokutan’Art un révélateur de talents.
CultureCongo : Y a-t-il des événements spéciaux dédiés à la jeunesse ou aux écoles ?
Zed Lebon : Le concours photo et l’atelier photo en marge du festival mettent en avant les jeunes photographes. Nous envisageons également des activités scolaires pour sensibiliser les élèves à la culture de l’image. Nous saluons la participation enthousiaste des élèves de l’école nationale des Beaux-arts Paul Kamba de Brazzaville.
CultureCongo : Quel est l’impact du festival sur la scène photographique africaine ?
Zed Lebon : Quatre ans après son lancement, Kokutan’Art est devenu un événement clé de la vie culturelle de Brazzaville, avec un succès marqué cette année. Le festival s’affirme comme un carrefour important pour les rencontres photographiques dans la sous-région, et un réseau dynamique de photographes au niveau national et international.
CultureCongo : Comment le festival contribue-t-il à la promotion de la culture et de l’art africains ?
Zed Lebon : Le festival favorise la reconnaissance, le développement et la professionnalisation des photographes en République du Congo et en Afrique centrale, en renforçant leurs capacités à créer et développer des projets photographiques. Il contribue également à la création d’une plateforme d’expression pour les photographes et soutient les jeunes talents dans les domaines de la formation et de la pratique photographique.
CultureCongo : Avez-vous des exemples de carrières de photographes qui ont été lancées ou boostées grâce au festival ?
Zed Lebon : Bien que certains photographes ayant participé aux ateliers disparaissent malheureusement, le cas de Therance Ralff Lhyliann est notable. Lauréat du premier prix du concours photo lors de la première édition du festival Kokutan’Art en 2021, il a depuis remporté une médaille d’argent aux 9èmes jeux de la Francophonie à Kinshasa.
CultureCongo : Quels sont les défis auxquels le festival est confronté et comment les surmontez-vous ?
Zed Lebon : L’un des principaux défis est le financement. Nous devons trouver des fonds et solliciter des subventions pour organiser efficacement le festival. Nous travaillons à établir des partenariats solides et durables avec des institutions et entreprises pour pallier les problèmes financiers.
CultureCongo : Quels sont les plans futurs pour le développement et l’expansion du festival ?
Zed Lebon : Nous prévoyons de rendre le festival plus accessible au public amateur à travers des expositions dans divers espaces culturels et lieux publics, ainsi que de collaborer avec d’autres grands festivals internationaux. Nous souhaitons également soutenir les collaborations artistiques et organiser une édition itinérante du festival dans les grandes villes du pays, avec l’appui financier de partenaires.
CultureCongo : Quel est votre rôle exact dans l’organisation du festival ?
Zed Lebon : Je suis le Directeur du Festival et le porteur du projet.
CultureCongo : Est-ce que vos attentes personnelles ont été satisfaites pour cette édition ?
Zed Lebon : Oui, nous sommes satisfaits. Cette édition a été saluée par les festivaliers, les partenaires, les institutionnels et les visiteurs.
CultureCongo : Avez-vous une anecdote ou un souvenir particulier lié à l’une des éditions précédentes du festival que vous aimeriez partager ?
Zed Lebon : Ah oui, la thématique de la troisième édition, “Nocturne”, a été décidée d’une manière plutôt originale : autour d’un pot, dans le noir, aux lampadaires. On discutait avec quelques festivaliers de la deuxième édition, essayant de choisir le thème pour l’année suivante, quand l’idée a émergé comme une révélation. Qui aurait cru que cette scène nocturne improvisée serait à l’origine du thème de tout un festival ? Rire !
CultureCongo : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes photographes qui souhaitent participer à des festivals comme le vôtre ?
Zed Lebon : Je les conseillerais de s’engager dans la photographie d’auteur et de participer aux ateliers que nous organisons chaque année avec des professionnels du secteur.
CultureCongo : Comment le public peut-il obtenir plus d’informations sur cette édition ?
Zed Lebon : Le festival a bénéficié d’une large couverture médiatique. Le public peut consulter les actualités nationales et internationales pendant la période du festival pour obtenir des informations. Des détails sont également disponibles sur la page Facebook du festival.
CultureCongo : Nous avons remarqué quelques photographies dans l’enceinte de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines. Quelle en est la stratégie ?
Zed Lebon : L’exposition à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines de l’Université Marien Ngouabi, qui attire un grand nombre d’étudiants, permet de faire découvrir la photographie comme moyen d’expression artistique et de développer l’esprit critique à travers une lecture approfondie des images.
CultureCongo : Y a-t-il des remerciements ou des messages spéciaux que vous souhaitez adresser aux partenaires, participants ou visiteurs ?
Zed Lebon : Nous remercions vivement tous nos partenaires pour leur contribution au succès de cette édition. Nous tenons également à exprimer notre gratitude envers l’équipe jeune et dynamique qui œuvre à la réussite du Festival.
CultureCongo : Nous vous remercions d’avoir répondu à nos questions et éclairci l’opinion publique sur le travail magnifique que vous faites. Au plaisir de vous rencontrer d’ici peu sur notre canal. Culture Congo, “Ensemble, valorisons la culture congolaise !