Avoir grandi dans la rue pour devenir une source d’inspiration : tel est le récit de cet artiste visuel et sonore, Yas ILUNGA KALALA.
Initiateur d’une plateforme artistique multidisciplinaire regroupant de jeunes artistes kinois, intitulée BIZ’ART’ART (littéralement “sois bazar dans l’art”), Yas ILUNGA KALALA est également producteur et réalisateur de l’émission télévisée Culture A, diffusée sur la chaîne congolaise Antenne A. Cette émission est dédiée à la découverte et à la promotion des jeunes artistes kinois.
Il est aussi l’initiateur du festival international des découvertes des arts urbains de Kinshasa, dénommé Bokutani, qui se déroule à l’Institut français de Kinshasa.
Yas a dû faire face au rejet familial et à la déconsidération en raison de son art. Cependant, les ruelles de Kinshasa l’ont accueilli, lui offrant un espace pour son épanouissement.
“J’ai grandi dans la rue, j’ai fabriqué et touché à tout. Mes amis m’appelaient artiste à cause de mes inventions. Les pasteurs et certains membres de ma famille me prenaient pour un sorcier. Je me suis éloigné de ma famille pour me réfugier durant une dizaine d’années dans la rue,” a-t-il révélé.
À partir des rencontres avec des personnes capables de l’aider et de le motiver dans son art, Yas a cultivé une idéologie artistique et a perfectionné son talent en suivant les conseils de ses pairs.
“Après mon diplôme d’État, je suis allé à l’Institut National des Arts à Kinshasa (INA). Deux ans après, faute de moyens financiers, je n’ai pas pu terminer mes études. J’ai décidé d’intégrer le collectif : Solidarité des Artistes pour le Développement Intégral (SADI). C’est là que j’ai découvert les photographes Yves SAMBU et le défunt KIRIPI KATEMBO, qui m’ont appris plusieurs techniques de photographie et de vidéographie,” a-t-il expliqué.
Yas ILUNGA œuvre sur la scène artistique kinoise dans une logique d’engagement artistique axée sur l’interpellation, la dénonciation et la proposition. La rue, qui était autrefois un refuge, est devenue pour lui une source d’inspiration, un lieu de questionnement sur les réalités de la vie et une scène pour exposer ses démonstrations.
“Je réalise des actes performatifs dans les ruelles de Kinshasa, que j’appelle moi-même ZEBOLA, en lingala, qui signifie ‘rituel’. Je passe ma vie à observer. Hier, c’était l’endroit où je construisais des bateaux avec des babouches… Aujourd’hui, la rue est un terrain d’observation, d’interrogation et une toile de projection,” a-t-il déclaré.
Une métamorphose d’un enfant, considéré comme sorcier, en un artiste visuel et sonore très talentueux. Son parcours est jalonné de déceptions, mais aussi de courage, car il n’a jamais lâché prise. Il a cultivé son art tout en mettant son corps à l’œuvre. À travers ses interpellations artistiques, Yas capte les gestes des autres et propose ses œuvres dans les échanges qu’elles provoquent.
Sa démarche artistique est axée sur l’interpellation, la dénonciation et surtout la provocation. À travers ses œuvres, il prône la conscience et l’intégrité humaine.
Grady BIZAKI