Dans la soirée du vendredi 12 décembre à l’espace culturel Ntongo Elamu, situé dans la commune de Bandalugwa, le Festival International de l’Acteur (FIA) 2025, nous a plongés dans un texte profond portant sur les réalités de la ville de Kisangani, à travers « Reporting of Kisangani » (ndlr, un reportage sur Kisangani).
Écrit par Cajou Mutombo, le directeur du FIA, ce texte est le reflet d’une ville qui a été meurtrie, nous a-t-il confié. » J’ai laissé vivre les personnages. Je pense que les personnages eux-mêmes arrivent à nous donner le message. C’est la réalité d’une ville qui a été meurtrie, qui a vécu la guerre « , a-t-il expliqué.

De Kinshasa à Kisangani, » Reporting of Kisangani » relatait l’histoire de deux sœurs vivant toutes les deux au Congo mais dans des villes différentes l’une dans la capitale Kinshasa et l’autre à Kisangani.
Abandonnées par leur mère, ayant perdu la seule tutrice qui leur restait, leur grand-mère, Safi et sa sœur aînée ne s’accrochaient plus qu’aux souvenirs de leur passé jadis heureux. Safi qui résidait à Kisangani vivait constamment dans la peur de voir sa ville tomber sous des coups de balle qu’elle recevait. Sa sœur, elle, au bout de fil, ne pouvait s’empêcher de la réconforter afin qu’elle survive face à ce malheur.

Confrontées à des réalités différentes mais avec un même rêve, Safi et sa sœur nourrissaient l’espoir de voir un jour les choses redevenir comme avant à Kisangani, cette paix que l’on n’avait pas besoin de chercher mais que dégageait la ville elle-même par sa beauté.
Hélas! Kisangani n’est plus en mesure d’être un havre de paix pour ses habitants d’autant plus qu’elle essaie elle-même de survivre au péril de sa vie.
En effet, entre les lignes de ce texte, des phrases percutantes ont été utilisées pour décrire la réalité de la ville de Kinsangani :
« Kisangani est à genoux mais elle respire encore, témoin d’un monde qui s’efface mais refuse de mourir » .
« Kisangani boyoma autrefois ville rivière et aujourd’hui ville cicatrice (…) des maison s’écroulent, des trottoirs s’effacent , le couteau seul ose encore couper le silence et le toleka toujours le toleka ».
« Kisangani ville déchu , ville déserte , ville défigurée (…) une photo grise dans l’album déchiré d’un pays fatigué (…) 65 minutes de feu, les vieux sont moues, des enfants regardent sans comprendre, 465 secondes de trop et les morts s’empilent (…) »
« La guerre de 2 jours les femmes tombent, les hommes s’effondrent , la guerre de 3 jours, les étudiants fusillés leurs rêves oubliés dans des poches, la guerre de 6 jours, ciel avalé par la fumée même les nuages ont peur (…) ».
Par ailleurs, ce texte émouvant n’est pas fruit du hasard, son auteur a bel et bien été dans la ville de Kisangani. Expliquant qu’au départ il voulait faire de ce texte un poème.
» J’ai fais un voyage à Kisangani il y a bien longtemps. Ça pouvait être un poème au départ. Quand j’ai pris le texte pour le retravailler je me suis dit que je vais en faire un petit texte comme ça entre la voix du reporter et un peu la voix de deux sœurs qui vivent quand même deux réalités. Je penses que ça résume un peu notre pays depuis plus de 30 maintenant », a déclaré Cajou Mutombo.
Signalons que le texte » Reporting of Kisangani » a été narré par lui-même le reporter, Cajou Mutombo et par deux autres artistes féminines pour une lecture-spectacle.
Par ailleurs, en dehors de la lecture, des pièces des théâtres se sont également jouées à l’espace Mutombo Buitshi dont clôture d’amour et purgatoire.
Au FIA 2025, les mots sont allés au-delà d’un simple spectacle, ils ont touché le cœur et l’âme, en transmettant de l’émotion et nous ont ramenés à la réalité qui s’avère être parfois notre quotidien.
Durant une semaine, le Festival International de l’Acteur a réussi son pari avec une programmation bien structurée et attractive aux attentes du public. Une biennale de la tourbière des spectacles vivants s’est clôturée par une dose musicale.
Yves Muetu
