La République Démocratique du Congo, vaste et riche de ses ressources naturelles, vit des heures sombres où les paradoxes du pouvoir éclatent au grand jour. Tandis que les provinces de l’Est brûlent sous les assauts répétés des rebelles du M23, un flou stratégique persiste dans les hautes sphères du pouvoir. Le dernier en date : une focalisation surprenante sur le soutien financier accordé à la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), au détriment des priorités sécuritaires et humanitaires.
Au village d’Ihusi, à 37 kilomètres de l’aéroport stratégique de Kavumu, des combats sanglants ont éclaté. Le M23, fidèle à sa doctrine du « Talk and Fight », continue d’avancer. Ils discutent d’un semblant de paix autour de tables diplomatiques tout en étendant méthodiquement leur territoire par la violence. Pendant ce temps, à Kinshasa, un ballet médiatique distrait l’opinion publique.
Le gouvernement, au lieu de mobiliser massivement des moyens militaires pour sécuriser Kavumu et repousser l’ennemi contre une probable prise de Bukavu, semble délibérément engagé dans une stratégie d’évitement. On dilapide les ressources publiques pour financer des programmes religieux et des forums sous l’égide de la CENCO, oubliant que la population souffre et que la patrie est menacée. Pourquoi accorder autant d’attention et de moyens à une organisation religieuse alors que les forces armées manquent de matériel et que les déplacés de guerre s’entassent dans des conditions inhumaines ?
La situation trahit un plan de gouvernance inconséquent, peut-être complice. Les appels incessants au dialogue, orchestrés dans de luxueux salons de négociation, ressemblent à un théâtre absurde où la paix n’est qu’un slogan vide. Comment expliquer que les rebelles avancent toujours plus près de Bukavu alors que des centaines de millions de dollars sont détournés vers des initiatives non prioritaires ?
Le drame de l’Est est amplifié par la déconnexion entre le peuple et ses dirigeants. Les habitants de Ihusi n’ont pas besoin de discours, encore moins de prières officielles : ils demandent des actions concrètes, des armes pour les soldats et une stratégie cohérente pour la défense nationale. Mais à Kinshasa, on préfère détourner les yeux, alimentant les distractions médiatiques et les alliances suspectes.
La CENCO, bien qu’importante dans sa mission spirituelle et sociale, est instrumentalisée dans une tentative de légitimation des échecs de l’État. Comment justifier qu’on finance des rencontres et des consultations religieuses alors que le M23 menace les zones stratégiques du pays ? Cette complicité tacite entre le gouvernement et certaines forces religieuses ternit davantage l’image de l’État, déjà fragilisé par des décennies de mauvaise gouvernance.
Le peuple congolais, lui, n’est pas dupe. Il voit les faux-semblants et les priorités mal placées. Il attend une rupture claire avec ces pratiques qui affaiblissent la République et abandonnent l’Est aux mains des envahisseurs. L’heure n’est plus aux mots ni aux célébrations religieuses spectaculaires ; elle est à l’action.
Si le gouvernement persiste dans cette voie, il pourrait bien être tenu responsable de la chute d’une nation qui, pourtant, regorge de potentiels inexploités. Le silence face à l’avancée du M23 n’est pas seulement une faiblesse : c’est une trahison. Une trahison envers les habitants de l’Est, envers les troupes mortes sur le champ de gloire, envers la souveraineté nationale et envers l’avenir même de la République Démocratique du Congo.
Bukasa Kabwe