La séance de Critique talk du 09 mai 2024 s’est soldée par un échange électrique et éclectique. Parmi les diverses composantes de l’exposition « Kolwezi, un jour, un rêve », curatée par Marie Sambay, la scénographie de l’exposition a le plus fait parler. Cette séance de critique talk s’était passée en mode In situ, dans le ventre de l’exposition même.
Hormis divers sujets explorés et exploités tout au long de la séance, Serge Matuta, l’animateur de cette séance, avait orienté et quasiment figé les regards sur un des éléments majeurs de la syntaxe de toute exposition, communément appelée « La scénographie des expositions». Ce critique d’art n’était pas convaincu de la pertinence ou du fonctionnement en bonne et due forme de la scénographie proposée dans cette exposition.
Soulignons que c’est l’artiste visuel Emmany Koto, qui avait fait office de scénographe dans ce contexte. Serge dans son argumentaire avait pensé qu’étant un « scénographe de facto ayant gratuitement bénéficié de la confiance de la curatrice », Emmany Koto avait « encombré la salle en enchevêtrant beaucoup d’œuvres sans leur permettre de respirer…Il ne suffit pas seulement d’accrocher les tableaux et puis parler de la scénographie ».
Un pétrole que la curatrice, les artistes et la majorité de participants n’ont pas pu avaler. Le critique d’art a par la suite été forcé de suffisamment argumenter sur ses propos qui d’après les réactions des uns et des autres s’apparentaient à des déclarations gratuites, sans fondement analytique. Sambay en s’adressant à Serge, qui ne voulait pas répondre à certaines questions, lui dira « en tant que quelqu’un qui critique, vous vous positionnez comme étant une référence en termes de possession des connaissances ; en disant des choses vous devez aussi nous expliquer ce qu’il faut faire et non juste affirmer sans argumenter… ».
Le professeur Jean Damascène Bwiza, philosophe et critique d’art, avait de son côté, en voulant de même contredire Serge, été « pédagogique en allant avec des choses simples », tout en décrivant des éléments qui d’après lui font de la scénographie présente une réussite. Il a, de fil en aiguille, émis un conseil en disant qu’ « un critique ce n’est pas quelqu’un qui s’oppose, mais plutôt quelqu’un qui analyse. Analyser pour sortir le sens, pour faire comprendre davantage ; la critique c’est pour faire évoluer…Il y a peut-être un problème de perception parce qu’il y a un manque d’analyse concrète… ».
Ce débat, sur la scénographie, avait su supplanter d’autres sujets importants, furtivement évoqués, tels que celui des choix d’artistes, de la qualité des œuvres, des démarches artistiques des uns et des autres, le fil rouge, et bien d’autres.
La scénographie des expositions
La scénographie des expositions, dont il est ici question, est d’après Micaela Neveu, « l’art d’exposer ou de mettre en espace les objets d’art », elle est ce moyen d’expression artistique qui traverse les arts, du théâtre aux arts visuels, et entre en jeu dans l’exercice de la transportation de celui qui visite une exposition vers des interstices inouïs des œuvres d’art mises en exergue.
Via elle, l’on peut déceler des propos non exprimés de l’exposition. Elle « propose la relecture des objets dans un cadre artificiel, construit ». En paraphrasant cette auteure, l’on peut dire aussi que la scénographie contribue dans la contrefaçon ou la production des contresens des œuvres et elle doit être bien faite pour ne pas dévoyer.
Dans une approche un peu plus schématique Micaela avance que « l’exposition, aujourd’hui, se construit comme un récit structuré par une introduction, un développement et une fin où les œuvres se font les interprètes du discours muséal ».
Dans la scénographie de l’exposition Kolwezi, un jour, un rêve, il y avait une trentaine d’œuvres picturales de diverses dimensions disposées d’une manière linéaire, accrochées aux murs les unes après les autres et artistes après artistes, suivi des cartels. Une installation représentant une carrière d’exploitation minière, faite en argile modelée, trônait quasiment au milieu de la salle au-dessus de laquelle étaient disposées des pelles pendantes. D’un autre coté était placé un téléviseur et des écouteurs qui diffusaient des images en boucle.
Le critique d’art Patrick Tankama avait plutôt pensé, en écrivant sur cette exposition, que « L’art est un révélateur. Il a le don de nous mettre le monde sous les yeux de manière ramassée. C’est une forme de sténographie, une écriture rapide du réel. A partir de ce que les artistes posent, nous pouvons saisir le monde, le penser. C’est ce que se propose cette aventure qui croise le regard de trois plasticiens qui évoquent la mine, en nous invitant à l’effort de nous élever, selon une devise chère à la province du Cuivre, ex imis ad culmina, « des profondeurs vers les sommets ».
Notons que cette exposition a été organisée par la fondation Maono en collaboration avec l’Académie des Beaux-arts de Kinshasa, du 18 avril au 09 mai 2024, dans la troisième salle d’exposition de cette dernière. Les artistes exposants étaient donc : Cathéris Mondombo, Gloire Isuba et Idris Kitota.
La rédaction