L’avant-première du long métrage « Muganga, celui qui soigne » a été bien reçu par le public kinois, après ses projections inédites au Centre Culturel et Artistique pour les Pays d’Afrique Centrale et au Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, dans une ambiance de profonde introspection et d’hommage.
Ce film puissant met en lumière le combat inlassable du Docteur Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, véritable icône de la reconstruction pour les femmes victimes des violences sexuelles soignées à son hôpital de Panzi, dans le Sud-Kivu.

Inspiré du livre « Panzi », coécrit par le Dr Mukwege et jalonné des témoignages bouleversants des survivantes, le film marque un autre tournant dans le parcours de «L’homme qui répare les femmes».
Réalisé par Marie-Hélène Roux et produit par la Française Cynthia Pinet et l’Américaine Angelina Jolie, il s’ouvre sur une séquence forte : le Dr Mukwege interpelant les diplomates lors d’une rencontre aux Nations-Unies. Son discours, d’une franchise dévastatrice, dénonce l’horreur systémique qui ronge les femmes de l’Est, victimes régulières de la violence sexuelle instrumentalisée dans un conflit armé alimenté par le contrôle des minerais stratégiques de la région.
Le long métrage, d’une durée de 105 minutes, où l’acteur Isaac Bankole incarne avec justesse Denis Mukwege, est une succession d’images éprouvantes, illustrant la brutalité des incursions rebelles, les meurtres et les viols collectifs. Il expose également les menaces de mort incessantes subies par le gynécologue de renom.

Des scènes poignantes montrent son retour à l’hôpital, soutenu par deux chirurgiens belges, venus renforcer sa mission vitale auprès de ces femmes aux appareils génitaux détruits. Des Acteurs principaux comme Isaach de Bankolé, Vincent Macaigne, Manon Bresc, Babetida Sadjo, Déborah Lukumuena ont rendu cette pièce intriguante et intéressante .
Invité à prendre la parole lors du panel qui a suivi la projection au CCAPAC, le Dr Mukwege a réitéré son plaidoyer. Il a souligné la dimension criminelle du viol, utilisé non seulement comme une arme de guerre méthodique, mais aussi comme un outil de traumatisation de masse.
Perpétrés souvent en public devant les enfants, les maris, la communauté, ces actes odieux causent des conséquences massives qui dépassent la victime directe : le mari, impuissant devant la torture de son épouse, est lui aussi une victime collatérale.
« Nous avions fait des publications scientifiques, nous avons écrit des bandes dessinées et des films documentaires, on avait toujours l’impression que le monde ne voulait pas regarder en face ce qui se passe en République Démocratique du Congo, » a dénoncé avec force le lauréat du Prix Nobel.
L’ancien directeur de l’Hôpital de Panzi a réaffirmé l’urgence de la situation, plaidant sans relâche pour la reconnaissance du viol de masse comme arme de guerre et son inscription explicite dans le droit pénal international. Il a conclu sur la force inattendue du cinéma.
« Avec ce film, j’ai constaté que les gens qui ne peuvent pas supporter le film documentaire sont venus en masse pour regarder ce film. Et tout ce que je pouvais sentir, c’est cette indignation… lorsqu’on regarde ce film, je pense qu’il y a toutes les raisons de pouvoir se poser des questions », a-t-il indiqué.
L’art, ici, devient un vecteur puissant, brisant le mur d’une indifférence internationale qu’il dénonce comme un « double standard ».
La sortie officielle du film « Muganga, celui qui soigne » a eu lieu en août dernier en France lors du Festival Francophone du film d’Angoulême. Après Kinshasa, il s’en va pour la Belgique où il sera dévoilé au grand public en ce même mois d’octobre.
Ce film est une œuvre indispensable pour la conscience collective, qui promet de marquer les esprits et d’interpeller les cœurs bien au-delà des frontières de la RDC.
Franklin MIGABO