« L’ONPA ne sera pas mis à l’écart » : tel est le titre d’un communiqué laconique, truffé d’approximations et d’inexactitudes, publié par les services de presse du ministère de l’Élevage en réaction à un article dénonçant les ambitions contestées du ministre concernant la gestion des bateaux de pêche. Comme le dit l’adage populaire : « Qui se sent morveux se mouche ». Manifestement piqués au vif par les révélations contenues dans l’article, le ministre et son entourage ont réagi rapidement à travers une prise de parole médiatique qui aurait peut-être mérité davantage de réflexion et de mesure.
La bonne foi que tente désormais d’afficher le ministre de l’Élevage à travers ce communiqué aurait gagné en crédibilité si elle s’était manifestée plus tôt. Si tel avait été le cas, les suspicions actuelles n’auraient probablement jamais existé. Car, bien que créé officiellement depuis le 6 juin 2022, l’Office National des Pêches et de l’Aquaculture (ONPA) reste, à ce jour, une coquille vide : pas de siège, pas de budget pour son fonctionnement effectif. L’institution est paralysée par des blocages structurels qui rendent toute action concrète impossible. Et pourtant, le ministre est bien là.

Plus choquant encore : lors du récent voyage d’inspection des bateaux en Espagne, aucun représentant de l’ONPA, l’organisme directement concerné, ne figurait dans la délégation ministérielle. Le ridicule ne tue personne. Mais au-delà de ces constats, un fait troublant mérite d’interpeller nos consciences. Comment comprendre qu’un établissement public dépourvu de siège, de budget de fonctionnement et de moyens logistiques fasse l’objet d’un marché d’acquisition d’équipements informatiques et de matériels accessoires pour un montant avoisinant le million de dollars américains ?
Selon les informations disponibles, ce marché est réparti en deux lots distincts, pour un total de 979 883,22 USD. Près d’un million de dollars pour acheter des ordinateurs… alors que l’ONPA ne dispose même pas d’un bureau où les installer, ni d’agents pour les utiliser. L’avis de non-objection de la Direction des marchés publics a pourtant été accordé depuis le 31 mars 2025, par lettre n° 0676 adressée au ministre de l’Élevage et de la Pêche.

Ce montant suffirait à équiper chaque étudiant congolais d’un ordinateur, et il resterait encore de quoi remplir quelques salles de classe. Il ne s’agit pas là d’une simple incohérence administrative, mais d’une illustration flagrante de l’absurdité ou de la duplicité qui entoure la gestion de certains fonds publics. Comment justifier un tel investissement en équipements sans infrastructure de base ni ressources humaines ? À qui profite réellement ce marché ? Où iront ces ordinateurs, et qui en assurera la gestion ?
Ce type de décision entretient un climat de méfiance et laisse penser que l’objectif poursuivi ne serait pas l’opérationnalisation effective de l’Office, mais plutôt l’exécution précipitée d’un budget, au détriment des véritables priorités. Une telle approche flirte avec les limites de la légalité. Il revient à l’organe de contrôle des marchés publics de faire preuve de vigilance : accorder un avis de non-objection pour un marché public avoisinant un million de dollars en faveur d’une structure sans adresse clairement établie soulève de sérieuses interrogations.

Il est urgent que des explications claires soient fournies. L’ONPA mérite mieux que d’être instrumentalisé dans des opérations qui relèvent plus de la dépense opportuniste que de la vision stratégique développée par le Chef de l’État, le président Félix Antoine Tshisekedi.
La redaction