Un jour, Makoutou partit de bon matin dans son champ. Arrivé au tournant du chemin, il vit une bande de singes en train d’arracher ses plants de mil.
Il prit une lourde pierre, bien décidé à fracasser la tête du premier singe qu’il pourrait atteindre. Puis, se ravisant, il se dit : « Ne sont-ils pas comme moi, des êtres vivants ? Ils ont faim… De quel droit les tuerais-je pour ce méfait ? » Et il se contenta de les chasser. De retour chez lui, il vit une armée de fourmis s’engouffrer dans le sac de blé qu’il gardait précieusement en réserve. Vite, il se saisit d’une torche, bien décidé à aller enflammer la fourmilière. « Ai-je vraiment le droit de détruire le logis de ces créatures aussi travailleuses que moi ? », se dit-il. Et il rejeta au loin sa torche.
Entrant alors dans son poulailler, il surprit un serpent avec un poussin dans la gueule. Il attrapa une fourche pour embrocher le voleur. Mais, dans son coeur, une voix murmura : « Ce serpent a faim. Qu’est-ce qu’un poussin pour toi ? Respecte celui que Dieu a créé presque aussi intelligent que l’homme. » Et le brave Makoutou laissa le serpent s’enfuir par le trou de la haie.
Vous l’avez compris ! Makoutou était le meilleur des hommes et comme tous les hommes sans malice, il avait des ennemis jaloux de lui. L’un d’eux, un jour, le dénonça comme voleur auprès du chef de village. Le pauvre Makoutou protesta tant et si bien de son innocence que le chef, soucieux de ne pas commettre une injustice, décida de le soumettre à trois épreuves : cueillir tous les fruits d’un immense fromager ; séparer les grains de sable et les grains de mil mélangés dans une profonde bassine ; tuer un buffle sauvage en le regardant sans ciller.
Que faire ? Makoutou s’approcha du fromager et commença à gémir devant la hauteur de l’arbre et la profusion de ses fruits. Les singes l’entendirent et décidèrent de l’aider. Ne les avait-il pas épargnés alors qu’ils avaient faim ? Aussitôt dit, aussitôt fait : les singes envahirent l’arbre et en moins d’une heure, Makoutou avait une montagne de fruits à ses pieds.
On le traîna devant la bassine de grains mêlés. Il avait la nuit pour tout trier. De nouveau, il se mit à pleurer. Mais les fourmis, qui avaient entendu parler de l’injustice faite à Makoutou, veillaient. « Ne crains rien, lui murmurèrent-elles. Nous ferons notre affaire de ces grains ! » Par milliers, elles se glissèrent dans la bassine et, aux premières lueurs de l’aube, deux tas bien nets se dressaient sur le sol : l’un de sable, l’autre de mil.
Makoutou fut tout aussi chanceux avec le buffle. Car le serpent, averti du malheur de l’homme qui l’avait épargné, se tenait tapi dans l’herbe, tout prêt du mufle de la bête sauvage. Et sur un signe de Makoutou qui fixait le buffle, il le piqua. Le buffle s’écroula et tous les villageois s’enfuirent, effrayés du pouvoir de Makoutou.
Son ennemi, pétrifié par la peur et la surprise, était resté sur place. Le serpent s’approcha de son talon, prêt à l’envoyer à la mort. Mais Makoutou le gentil lui fit signe de s’éloigner.
Le conte ne dit pas si Makoutou a bien fait d’épargner son ennemi.
1 Commentaire
Je retrouve avec ce texte le goût du conte