La sphère culturelle en République Démocratique du Congo bouillonne d’une énergie inépuisable, portée par la fougue et la passion des acteurs culturels de différentes provinces. Dans la Tshopo, et plus particulièrement dans la ville de Kisangani, des créateurs venus de divers horizons, en l’occurrence du secteur théâtral, se distinguent par le zèle infatigable.
Ils font flotter haut et fort le drapeau culturel congolais, en défiant les vents contraires et les obstacles légion qui jalonnent le paysage artistique. Magloire Bolunda, coordonnateur du groupe TACCEMS asbl et membre éminent du comité d’organisation du Festival Ngoma, a accordé à la rédaction de Culture Congo une interview exclusive, dont nous allons ici esquisser les contours et les vibrations profondes.
« L’art doit élever le peuple au-dessus de sa souffrance, non l’y enfoncer. » Cette pensée de Wole Soyinka s’érige, sans appel ni détour, et estime que l’art, qu’il soit théâtre, danse, musique ou slam, est un miroir et une épée, capable de refléter les douleurs collectives et de les métamorphoser en souffle vital. Il transforme la scène en un espace sacré de questionnement, de frissons et de conscience éveillée.
Le festival Ngoma, en tant que rencontre des arts de scène, a été conçu pour tisser des liens, pour faire dialoguer les âmes créatives et les opérateurs culturels de tout le pays, avec un accent particulier sur ceux de la région de l’Est. Aujourd’hui, il s’impose comme pilier de référence, en tant qu’incubateur de talents et boîte tournante où les réalités sociales se heurtent à l’imaginaire, dans une danse incessante de sensibilisation et de réflexion.
Cette édition, placée sous le thème « Tous solidaires avec l’Est », se déploie dans cette aspiration. Elle est dédiée aux populations de l’Est de la RDC, écrasées par le poids d’une guerre aux conséquences humanitaires dévastatrices. À travers une programmation riche, plurielle et vibrante, le festival offre l’occasion de rencontrer des artistes de tous horizons : danseurs, slameurs, comédiens, humoristes, musiciens et bien d’autres encore. Chaque performance devient une étincelle, chaque scène un foyer où la créativité embrase l’émotion et la conscience collective.
Cette année revêt une symbolique particulière pour le groupe TACCEMS asbl, qui célèbre ses trente ans d’existence tout en organisant la quinzième édition de ce festival emblématique et mémorable. C’est aussi l’occasion de magnifier le rôle d’Africalia Belgium, partenaire majeur depuis vingt-cinq ans, dont l’appui indéfectible a nourri la pérennité du projet. Comment les organisateurs ont-ils maintenu la barre si haute toutes ces années, alors que tant d’autres structures peinent à perdurer et disparaissent quelques années après leur création ? Magloire Bolunda éclaire cette énigme :
« Il faut des objectifs clairs, une vision précise et ambitieuse, et ne jamais se limiter à assouvir des intérêts mesquins. Il importe de cultiver l’harmonie au sein du staff, et que chacun accomplisse avec sérieux ses tâches spécifiques pour garantir la pérennité de la structure et la réussite des projets. Au cœur de TACCEMS, l’engagement des membres est traité comme une véritable vocation professionnelle, leur investissement étant à la hauteur de la reconnaissance qu’ils méritent pour leur contribution. »
Interrogé sur les dynamiques d’avenir, Magloire révèle que le comité mûrit depuis longtemps deux projets majeurs : la réhabilitation du bâtiment qui abrite l’espace culturel Ngoma et la construction du village du festival. La réhabilitation est déjà un acquis : dans quelques mois, le bâtiment sera modernisé grâce à l’appui du projet Jeunesse Créative de Enabel. L’acquisition d’un terrain pour ériger le village Ngoma demeure l’un des grands projets structurants, promesse d’un espace où la créativité pourra fleurir librement et durablement.
Le groupe TACCEMS ne se laisse pas alourdir par le poids des années ; il rajeunit en idées et en actions, demeurant un vecteur essentiel de culture et des arts en République démocratique du Congo. Il est cette lanterne-guide qui éclaire, dans l’obscurité des défis, la créativité et le dynamisme artistique du pays, un souffle vivant qui fait vibrer les scènes et les cœurs.
Le Festival Ngoma 2025 se déroulera du 24 au 30 août à Kisangani, dans la province de la Tshopo, au Centre culturel Ngoma. Cette quinzième édition, autant que toutes les autres, mérite d’être célébrée à grande pompe pour mettre en exergue les cultures, les arts et la quête d’une transformation sociale profonde.
Cœur Tam Tam Kabuyaya