Il y a 65 ans (1956-2021), un jeune congolais de 17 ans participait à la création d’un de plus grands orchestres du Congo, OK Jazz (Thomas Luhaka)
François Luambo Makiadi dit Franco ou le jeune » voyou » kinois qui devint une star !
Ce jeune garçon, qui est né le 6 juillet 1938 à Sona-Bata dans la province du Kongo-central, d’un père diacre tetela, Yvon Emungu Luambo, et d’une mère Ne-Kongo, Hélène Mbonga, va marquer de son empreinte indélébile l’histoire de la musique congolaise jusqu’à devenir le chef de file d’une école de musique: l’OK Jazz.
Il a 10 ans lorsque son père décède à Kinshasa en 1948, en le laissant lui, son jeune frère Bavon Siongo (qui est une déformation kikongo de son nom tetela Shungu, il deviendra aussi célèbre sous le nom de Bavon Marie-Marie et va connaître une fin tragique dans un accident de circulation), sa petite sœur Marie-Louise Akanga-ana et leur mère, sans ressources.
La famille de leur défunt père décide de récupérer la maison familiale (située sur l’avenue Gemena dans la commune de Kasa-vubu), les deux garçons et de » libérer » la jeune veuve pour qu’elle refasse sa vie.
Les deux oncles paternels, les frères du papa de Luambo, Bavon Siongo et Hubert Otenga, tous deux anciens militaires de la Force Publique et qui ont combattu pendant la seconde guerre mondiale, récupèrent le jeune François et l’inscrivent à l’école Saint-Georges de Kitambo, chez les Frères des écoles chrétiennes (école primaire que votre serviteur a eu la chance de fréquenter aussi).
Il aura comme camarades de classe le futur général Matumbu, directeur politique des Forces armées zairoises (FAZ) et Charles Bofossa, le gouverneur de la Banque centrale du Congo de 1977 à 1979.
Le jeune François va arrêter ses études primaires pour aller aider sa mère qui, pour vivre, vend des beignets au marché de Ngiri-Ngiri (Wenze ya Bayaka). Il décide de venir vivre auprès d’elle dans la petite maison qu’elle loue dans la même commune.
A 13 ans, il décide de porter plainte au tribunal de paix contre ses oncles qui ont spolié leur maison familiale. Le jour de l’audience, il se met à genoux en demandant pardon à ses oncles pour les avoir traîné en justice alors que ce sont ses papas mais c’était juste pour leur demander de leur restituer la maison familiale. Les deux oncles paternels, émus par cette plaidoirie atypique, vont leur remettre la maison.
Mais lorsqu’il habitait encore à Ngiri-Ngiri, le hasard fera que le fils du bailleur de sa mère fut un guitariste.
Passionné par cet instrument qu’est la guitare, le jeune François va commencer à » l’emprunter » à l’insu de son propriétaire. Un jour, le propriétaire de la guitare, Ebengo Dewayon, va le surprendre avec sa guitare et, au lieu de le punir, sans doute amadoué par la passion du jeune homme pour la musique, va se proposer de lui apprendre à jouer.
Après quelques leçons d’initiation, Dewayon va amener le jeune Luambo chez son maître Luampasi qui va l’aider à se perfectionner.
Convaincu par le talent de François, Dewayon va présenter en 1951son jeune protégé à un célèbre guitariste et ami de la grande star de l’époque Wendo Kolossoy, Henri Bowane. Bowane qu’on entend d’ailleurs développer son talent de guitariste dans la chanson » Marie-Louise » de Wendo; cette chanson est le premier tube de la musique congolaise naissante. Henri Bowane va encore aider le jeune guitariste à progresser dans la pratique de son art. Et Bowane lui donne le surnom de » Franco » en hommage au général Franco, l’homme fort d’Espagne. Luambo a 13 ans.
Henri Bowane présente le jeune musicien à Papa Dimitriou, sujet grec et propriétaire de la maison d’édition Loningisa. Vu son jeune âge, le jeune Franco demande à Papa Dimitriou de l’employer comme balayeur et garçon de courses tout en accompagnant à la guitare de temps en temps le petit orchestre LOPADI (Loningisa de Papa Dimitriou) dans lequel évoluent des musiciens confirmés tels que: Lando Rossignol (ami d’enfance de Léon Kengo Wa Dondo), Edo Nganga, Bosuma Dessoin (camarade de classe du futur Maréchal Mobutu).
En 1956, Oscar Kashama alias Cassien, propriétaire du bar OK Bar, décide de créer un orchestre avec les éléments du groupe Loningisa. Parmi les fondateurs, on trouve les originaires du Congo-Leopoldville Vicky Longomba, Bosuma Dessoin et Franco Luambo, et les originaires du Congo-Brazzaville Jean-Serge Essous et Nino Malapet, deux grands saxophonistes.
Ils décident, le 6 juin 1956, d’appeler cet orchestre OK Jazz pour Orchestre Kinois de Jazz par opposition au premier et grand orchestre congolais de l’époque African Jazz de Joseph Kabasele dit Grand Kalé.
Le jeune François Luambo Makiadi dit Franco vient de participer, à 17 ans, à la création d’un de plus grands orchestres du Congo l’OK Jazz et dont il finira par devenir le patron incontesté après quelques années grâce à son talent de guitariste, de chanteur, de compositeur et de leader.
Cet orchestre va régner sur la scène musicale congolaise et africaine pendant plus de 40 ans !
A suivre !
Par Thomas Luhaka Losendjola.