L’industrie du livre se façonne et progresse. Pour qu’elle connaisse des performances, des figures majeures du secteur sont tenues d’outiller les acteurs de la chaîne du livre des connaissances nécessaires en guise de leur épanouissement professionnel.
Dans un contexte où de nombreux écrivains font le choix de l’auto-édition, il devient crucial d’accompagner les auteurs dans la compréhension des mécanismes professionnels du monde du livre. C’est dans cette optique qu’Agnès Debiage, consultante sur les écosystèmes du livre en Afrique et ancienne libraire, a récemment animé une formation à Kigali, organisée par Arise Éducation et soutenue par eKitabu et l’Institut français du Rwanda.
Destinée uniquement aux auteurs, cette formation visait à lever l’énigme autour des étapes clés du processus éditorial : du manuscrit à l’auteur publié incluant le lancement du livre. Une chaîne de valeur essentielle, qui se doit d’être mise à profit à chaque étape. Le condensé a porté sur le travail de réécriture, la relecture par des tiers et les corrections (dont typographiques), la quintessence de la première et de la quatrième de couverture, la mise en page, la compréhension des contrats d’édition (avantages et inconvénients), l’introduction à l’édition digitale,
la gestion des cessions de droits, et les stratégies de lancement du livre.

L’idée était de faire sortir les auteurs de leur zone de confort figée, afin qu’ils prennent pleinement conscience de l’univers professionnel dans lequel ils évoluent. “Même si un texte est excellent, un livre peut peiner à faire des ventes s’il n’a pas été peaufiné, dans les moindres détails, de sa conception à sa finalisation”, souligne Agnès Debiage.
La formation a aussi permis de sensibiliser les participants aux logiques du marché et aux réalités commerciales du monde de l’édition. En effet, il est souvent difficile pour les auteurs de comprendre que, malgré la valeur intrinsèque d’un texte, celui-ci peut ne pas trouver son public sans une approche professionnelle et stratégique.

Au-delà des aspects techniques, l’intervenante avait à cœur de partager des exemples issus d’autres pays africains, afin que les auteurs rwandais comprennent l’utilité d’appartenir à une grande famille du livre en Afrique. Cette dimension, à la fois solidaire et continentale, est primordiale pour mûrir une dynamique durable et efficace dans le secteur.
Pour Agnès Debiage, le livre est au cœur des industries culturelles et créatives (ICC), tout en étant un levier central de l’éducation. Elle déplore néanmoins que, dans certains pays africains, la qualité des ouvrages reste encore trop moyenne, malgré des richesses culturelles et des imaginaires exceptionnels.

Par ailleurs, elle estime que le secteur du livre jeunesse est en pleine effervescence sur le continent, porté par une population très jeune, une classe moyenne en expansion et une demande croissante de contenus culturellement adaptés. Ce secteur offre des perspectives très porteuses et prometteuses.
Agnès Debiage insiste aussi sur la nécessité de développer l’édition en langues nationales ou bilingue, avec un niveau de qualité équivalent ou supérieur à celui des productions importées, et une présence forte en librairies et bibliothèques.

À l’ère actuelle où l’industrie du livre est en plein développement dans la région des Grands Lacs, de plus en plus d’acteurs se mobilisent pour proposer des formations visant à renforcer les compétences des professionnels du livre. En 2024, Agnès Debiage avait animé une formation sur la chaîne du livre et la gestion d’une librairie à Bukavu. Aujourd’hui, elle s’adresse à un autre public, les auteurs, pour aborder les enjeux majeurs qu’un auteur est censé connaître, avant de faire éditer son livre et d’en assurer le marketing adéquat. Bien que la durée de la formation ait été courte, elle a néanmoins été perçue comme une étape fondamentale, qui a sous-tendu les fondations. Les retours des participants, recueillis via un questionnaire d’évaluation, témoignent d’un véritable apprentissage et d’un gain de motivation.
Ces initiatives doivent être accompagnées et valorisées, car elles participent directement à la reconnaissance du rôle du livre et de la lecture : pour éduquer la jeunesse et inciter des imaginaires valeureux, transmettre les savoirs et narrer leur quotidien, par une vision novatrice du monde.
Ghislain_Coeur Tam Tam Kabuyaya