« Entre sa lutte politique et ses croyances spirituelles, apparait clairement l’image d’une femme qui symbolise en tout et pour tout, la capacité de la femme congolaise qui inspirera des hommes et des femmes, au-delà même des limites de la terre Kongo. Par son courage et sa détermination face à l’oppression et à l’aliénation du colonisateur détracteur, la jeune fille, Kimpa Vita dite Dona BEATRIZ a pu mobiliser le pouvoir coutumier et conscientiser ses frères Kongo à revendiquer le respect des droits des autochtones et leur culture, modèle d’une lutte de la femme pour des droits les plus légitimes ».
À partir du 15ème siècle, les grands royaumes puissants et prospères d’Afrique sont envahis par les Etats occidentaux. Les Africains reçoivent les pays de l’Occident dans la fraternité, mais celle-ci va engendrer l’esclavage, les massacres et les déportations des Noirs dans d’autres terres. Le grand Royaume Kongo en est aussi victime, il subit des divisions, des guerres civiles, pillages de ses ressources et surtout la chute occasionnée par la bataille d’Ambwila en 1665. En 1704, se lève une jeune femme pour lutter contre ces maux. Elle sera brûlée vive le 02 Juillet 1706 à Divulu, un village du Royaume Kongo, son nom c’est Kimpa Vita, la mère de la révolution africaine. Évoquer son nom, est synonyme de la résistance, facilement les combattants de la lutte politique et les activistes de droits humains congolais jurent sur son nom et revendiquent fièrement appartenir à son pays.
Ce n’est pas un excès moins encore un culte de la personnalité de croire aux exploits de Kimpa Vita, en tout cas, elle est jusqu’à présent le miroir pour toutes ces femmes et hommes engagés dans la lutte pour la promotion et le respect des droits de la femme, carrément l’émergence d’un État de droit, où les droits des uns et des autres sont respectés par tous. Il suffit de zoomer sur la situation de droits de la femme congolaise pour comprendre pourquoi, Kimpa Vita revient encore dans les débats, une injustice institutionnalisée, des hommes qui veulent tout avoir contre la femme.
La femme et son temps
Née entre 1684 et 1686 à Mbanza Kongo (NordOuest de l’Angola), Kimpa Vita est morte le 2 juillet 1706, prophétesse Kongo originaire de l’ethnie Esikongo (dit San Salvador par les Portugais), elle est fondatrice et dirigeante du mouvement antonianiste, qui lutta pour le retour au monothéisme Kongo, et contre la traite négrière qui sévissait au sein du royaume Kongo. Visionnaire, elle prêchait l’unité du royaume et la restauration de sa grandeur, et militait pour conduire le peuple et relever les ruines de la capitale, qui était occupé par des rebelles.
En 1703-1704, elle entreprit, sur le plan politique, une campagne pour le retour dans la capitale du Mani Kongo, le Roi Pedro IV. Elle appela au rétablissement de l’unité du royaume et à la restauration de Sao Salvador. Elle ne souhaitait pas que son peuple dépende des puissances coloniales, en proie à l’anarchie, au pillage et au dépeuplement de la population kongo par la traite des noirs. Elle annonçait l’avènement des temps nouveaux et le retour à l’âge d’or du royaume kongo.
Nous aussi, nous avons des saints au Kongo. Les blancs ont blanchi Dieu pour leur profit mais un nouveau royaume va naître et il faudra reconstruire la ville, relever les maisons.
Les Blancs sont nés de la pierre de savon et les Noirs d’une sorte de figuier », affirme-t-elle face au racisme des colonisateurs. Selon elle, la parole de Saint Antoine peut redonner vie aux racines de ce figuier. Consciencieusement, la situation de droit de la femme en Rdc est comparable aux affres de la colonisation, et mérite une lutte aussi engagée des hommes que des femmes à l’image de la lutte de Kimpa Vita. Pour le Dr Mukwege, la promotion de droits de la femme, exige des sacrifices, parfois même suprême, car dit-il le combat est encore loin d’être gagné, et tant que la parité homme-femme ne sera pas une réalité en Rdc, il y aura donc des Kimpa Vita qui se lèveront et qui revendiqueront justice.
Une allure élancée, une prestance de sainte et « de si grands yeux » … C’est ainsi qu’est décrite au début du XVIIIe siècle, Kimpa Vita, grande prophétesse du Kongo, par les missionnaires européens, si les écrits à son sujet sont si nombreux, « c’est qu’elle inquiète beaucoup les colons portugais et l’inquisition, suffisamment, même, pour qu’on veuille la tuer », précise l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch.
L’héroïne et ses combats
Vita est une Nganga Marinda, c’est à dire une prêtresse traditionnelle ou initiée de la société secrète « Kimpasi». Elle y avait été initiée très jeune mais avait décidé d’abandonner la pratique. La société Kimpasi avait pour mission de délivrer les gens des forces du mal à travers des cérémonies d’exorcisme. Pour les missionnaires, cette société était une secte de sorcellerie, et la plupart de ses temples qui se trouvaient dans les forets ont été détruits par les Capucins. Inversement, pour les membres de la société Kimpasi, les prêtres capucins étaient des sorciers.
Kimpa Vita commença par prêcher sur le mont Kibangou, la montagne sacrée, et osa ensuite se présenter en personne au palais royal pour demander au Roi Pedro IV de se joindre à elle pour pouvoir prier le « vrai Jésus » afin de restaurer le royaume alors saccagé par la guerre. Un témoignage raconte qu’au passage de la jeune femme des arbres tordus ou à terre se sont redressés et que les portes du palais se sont ouvertes elles-mêmes, comme repoussées par des mains invisibles.
Kimpa Vita leur disait : « Nous aussi, nous avons des saints au Kongo. Les Blancs ont blanchi Dieu pour leur profit mais un nouveau royaume va naître et il faudra reconstruire la ville, relever les maisons ».
Selon Kimpa, le Kongo est la terre sainte, les pères de l’Eglise sont en réalité des Africains et St Antoine est le plus important de tous les saints, il est le patron des humbles et des démunis. Selon elle, l’histoire de l’église est une histoire africaine.
Kimpa Vita était toujours entourée d’une grande foule pour suivre ses prophéties, en dehors de son image mystico-religieux, Kimpa Vita était décidée à restaurer le Royaume Kongo et son message était un cri qu’elle appelait « M’lolo » pour le rassemblement et pour la renaissance du royaume. Selon elle, l’homme blanc était originaire d’une pierre en argile appelée « Fuma » en kikongo, et les hommes noirs sont originaires d’un arbre appelé « Munsanda ». L’arbre et la forêt sont des symboles du monde invisible, et les esprits des ancêtres vivent dans des lacs et les océans, on les appelle des « Nsimbi ».
La renommée de Kimpa Vita menaçait celle des missionnaires, elle était devenue une menace considérable qui risquait de conduire à la chute de l’Eglise et compromettre le projet des colons, ses enseignements conduisaient à la défaite de la théologie chrétienne et donc à la perte de contrôle du royaume par les missionnaires. Il fallait trouver une astuce pour l’éliminer. Le conseil royal sous la présidence de Dom Bernardo, prononcera la sentence de mort contre Kimpa Vita pour hérésie, crime de nature religieuse et mensonges, après un procès monté de toute pièce par les Capucins. Elle fut conduite sur un grand bucher et fut exécutée le 2 juillet 1706, Des rumeurs circulaient et annonçaient que Kimpa Vita devait se réincarner quelque part au Kongo.
Après sa mort, beaucoup de prisonniers du Royaume Kongo, qui étaient vendus comme esclaves ont été libérés grâce à elle. Les idéaux de Kimpa dominent plusieurs religions Sud-Américaines. Elle a inspiré plusieurs mouvements nationalistes dans le pays et au-delà des frontières du Kongo, le mouvement antoinisme subit une véritable répression et ses adeptes furent réduits en esclavage. Telles des graines semées au gré des vents lugubres de la déportation en Amérique, ils ont diffusé la foi émancipatrice portée par celle qui fut un espoir, et une inspiration pour tout un continent.
Masand Mafuta