La République Démocratique du Congo vient de signer un contrat de 43 millions d’euros (hors taxes) avec le FC Barcelone, pour apposer le slogan « RDC, cœur de l’Afrique » sur la manche du maillot officiel du club catalan. Ce partenariat de quatre saisons inclut également un showroom à Barcelone, des privilèges VIP au Camp Nou et un programme de stages pour quelques jeunes Congolais.
Pendant ce temps, à l’Est du pays, des enfants meurent sous les bombes. À Kinshasa, les artistes travaillent sans subventions. À Mbuji-Mayi, des enseignants donnent cours sans tableau. À Bukavu, des étudiants créent des ordinateurs déconnectés du monde. Mais à Barcelone, le Congo brille sur un maillot. Est-ce cela, notre urgence nationale ?

Si on investissait 43 millions dans notre propre narration ?
Avec cette somme, la RDC aurait pu :
– Produire 50 longs métrages à 150 000 € chacun – des films qui racontent notre histoire, valorisent nos langues, dénoncent nos blessures et révèlent notre beauté.
– Construire 15 centres culturels et sportifs régionaux : lieux de formation, d’expression et d’épanouissement.
– Créer plus de 1 000 emplois directs dans les secteurs du cinéma, de la musique, du sport, de la danse et de la gestion culturelle.
– Offrir aux jeunes une raison de croire que leur talent compte autant que les projecteurs européens.

Branding vide ou puissance intérieure ?
Le branding n’est pas une image plaquée sur un tissu. C’est une dynamique incarnée, vécue et construite de l’intérieur. Or, on ne vend pas une maison effondrée en repeignant sa façade. Ce contrat, aussi prestigieux soit-il, ressemble à une tentative de faire illusion, alors que les fondations du pays souffrent.
À quoi bon séduire le monde si notre propre jeunesse se sent trahie ?
Proposons mieux : investissons dans la culture, pas dans l’image.
Ce n’est pas l’Espagne qui fera rayonner le Congo. Ce sont les Congolais eux-mêmes, lorsqu’ils seront outillés, reconnus et protégés.

Il est encore temps de revoir nos priorités. Ce n’est pas le partenariat que nous contestons. C’est le silence qu’il couvre. Car pendant qu’on paie pour apparaître sur un maillot, nos artistes, éducateurs et sportifs paient pour survivre.
Niamba Malafi
Auteur et observateur des dynamiques culturelles en Afrique centrale et dans la diaspora africaine, artiste pluridisciplinaire, entrepreneur culturel et initiateur du Salon des Bruits des Villes Africaines.