… Effervescence. Ebullition. Frénésie. Ngwasuma… Les mots me manquent pour décrire et qualifier la drôle et la folle d’ambiance à la résidence de notre patron le ministre d’Etat en charge des questions Statistiques et Tactiques. D’après les indiscrétions de la domestique à l’oreille du jardinier, et du jardinier à l’oreille du garde du corps, et de ce dernier à l’oreille du chauffeur du ministre, le professeurrrr (on roule par respect la dernière syllabe…), cousin « sang-pour-sang » de Son Excellence, venait d’être nommé recteurrrrr à une université périurbaine et « conventionnée » appartenant moitié à l’Etat et moitié à une Eglise « charismatique ».
Mon patron le ministre m’a chargé d’accompagner son cousin à la séance de « remise-reprise » ( de « reprise-remise » selon le garde du corps, de « reprise-reprise », selon le jardinier ; de « remise-remise », selon la domestique…)
…Le temps d’embarquer le nouveau promu dans la voiture officielle du ministre, avec comme escorte dedans, toute sa ribambelle d’enfants, de neveux, d’oncles et des membres futurs du futur cabinet, nous voici en surcharge, mais direction : Ecole Facultaire Charismatique de la Tsangu, en sigle EFACATSA (« Effracatsa », comme le prononce innocemment le garde du corps, en référence sans doute à une chanson-ndombolo à succès…).
Euphorie, principalement pour le Comité de gestion « entrant ». Entre deux euphories, j’ai le temps de féliciter le cousin-professeurrrr-recteurrrr pour sa nomination et pour (je bafouille…) pour la « remise-reprise-remise-remise-reprise-reprise…..).
Le professeurrr-recteurrr me tance gentiment mais fermement pour, dit-il, « tant de transgressions grammaticales » ; et d’ajouter : « On ne dit pas ‘remise et reprise’, expression belgo-congolaise frelatée ; on dit ‘passation de pouvoir’ ». Aïe, j’en ai eu pour mon compte : en vérité, en vérité, comme disait mon grand-père : « le ki-flançais-là est plus matata , plus difficile à labourer que le champ de manioc ! ».
… Manifestement la « remise-reprise’, pardon… la « passation de pouvoir » a été bien orchestrée et bien huilée à l’avance de part et d’autre des « entrants » et des « sortants », à voir les sourires d’apparat des uns et des autres ainsi que la masse et le volume des documents sous les bras du professeurrrr-recteurrrr.
Fin de partie. Embrassades protocolaires et poignée de mains à la Covid. Puis cocktail copieux.
Dehors, surprise, des groupes folkloriques endiablés, chaque membre du comité de gestion « entrant » ayant mobilisé les artistes de son clan, ses partisans et la future garde thuriféraire. Youyous et chants d’hommage. Sons de tam-tam. Costumes et grimages pittoresques. Au comble des enthousiasmes et des délires, le cousin du ministre, professeurrrr et recteurrrr est pour ainsi dire, enlevé par les fans du clan et catapulté sur un tipoy traditionnel en osier ouvragé.
… Au point, dans l’euphorie, d’oublier définitivement la voiture officielle ministérielle, et le chauffeur officiel du ministre…
(YOKA Lye)
15-03-2022