Né en 1916, dans le village de Kibombi, près de Tshela-Centre, dans la région du Mayombe (Bas-Congo), alors sous l’administration belge, Martin Nkongo Mbongo Muanda Luvungu Makhondokhondo Tonadiaku, connu sous le nom de Martin Nkongo Muanda Luvungu, est le fils de Marie Nzau, originaire de Kingungila, et de Wakana Muanda Luvungu, un grand chef très respecté dans la région. Il grandit ainsi dans une lignée familiale marquée par une certaine influence et fierté.
Suite à la mort de son père en 1926, Martin ne parvient pas à surmonter ce moment douloureux. Il décide alors de quitter son village natal et de rejoindre son oncle maternel à Kingungila, accompagné de ses frères et de sa sœur.

En quête de survie, Martin Nkongo ne reste pas les bras croisés et cherche divers moyens de subvenir aux besoins de sa famille. Au milieu des années 1930, il s’installe à Boma. Grâce à la providence, il trouve un emploi comme marin sur un bateau de pêche et construit sa première maison, marquant le début d’une aventure.
Genèse du premier photographe ambulant noir du Mayombe
La vie de Martin bascule lorsqu’il perd son emploi, sa seule source de revenus. Ne se laissant pas abattre, il découvre sa passion pour la photographie, après avoir reçu un enseignement des colons belges à Boma. Comme le dit le proverbe, « Quand on aime une chose, on s’y adonne à fond. » Il s’initie à l’art de capturer des images, acquiert son premier équipement et c’est vers la fin des années 1930 qu’il rentre chez lui, dans la région de Mayombe. Ainsi, il entre dans l’histoire comme le tout premier photographe ambulant noir du Mayombe, devenant la coqueluche des habitants grâce à son dévouement, son talent et son savoir-faire.
Au-delà de son activité de photographe ambulant, il parvient à créer son propre atelier, qui devient rapidement un lieu de rencontre incontournable, transformant sa passion en une activité presque à plein temps. Martin se fraye ainsi un chemin pour être reconnu comme la figure emblématique du photographe ambulant autochtone dans le Mayombe, à une époque où la région ne comptait que 2 000 villages.
Dès la fin des années 1930, il montre son engagement en parcourant les pistes et clairières, appareil photo en bandoulière, pour immortaliser des moments précieux : fêtes familiales, cérémonies traditionnelles et portraits solennels. Grâce à son sens artistique, il se distingue et redouble d’efforts pour atteindre le summum de sa carrière, transformant la mémoire visuelle de toute une contrée. Il exerce cette activité pendant près de 35 ans, avant même le célèbre Maurice Pellosh, photographe ambulant au Congo-Brazzaville.
Pionnier parmi les Bayombe, il innove avec une photographie professionnelle dans des villages reculés, des endroits où peu de gens avaient encore vu un appareil photo. Son goût pour l’image et sa mobilité font de lui un messager de la modernité et un gardien des traditions.
Tata Martin, la légende redoutable
Les prouesses de Martin dépassent l’entendement. Au-delà de son talent, il se distingue par sa vivacité physique. En 1974, sur le chemin de retour à Kingungila, il croise un gigantesque serpent mystique. Gardant son sang-froid, il l’affronte à mains nues et parvient à le vaincre. Cet acte légendaire lui vaut le surnom honorifique de « Tata Martin », symbole de courage et de bravoure.
Cet épisode n’est qu’un chapitre d’une longue histoire. Reconnu comme l’homme qui abat des serpents menaçants, il est également un fervent de la connaissance ancestrale, soignant les victimes de morsures grâce aux plantes médicinales cultivées sur ses propres terres.
Quid d’un personnage historique chez les Bayombe
Concernant sa descendance, Martin s’est marié à deux femmes selon la coutume et est père de 24 enfants et grand-père de plus de 100 petits-enfants, préservant ainsi un riche héritage familial. Son influence dépasse le cadre familial ; il est chef du clan Makaba à Kingungila, photographe reconnu dans toute la région et juge coutumier respecté à Kinzonzi.
Dans sa personnalité, on peut déceler les attributs les plus éminents : l’autorité ancestrale du chef de clan, la haute magistrature du président-juge coutumier, ainsi qu’un prestige personnel forgé par l’estime et la tradition. Bien qu’il ne porte pas le titre de chef de chefferie, il est reconnu comme chef coutumier dans toute la région.
Martin n’était pas une personne ordinaire ; il était en avance sur son temps. Il détient le record d’être le premier homme muyombe à acheter une moto de marque japonaise Yamaha. À la fin des années 1970, il se reconvertit et devient pasteur dans son village, poursuivant sa mission de guidance pour sa communauté.
Il a écrit son histoire en lettres de noblesse et restera à jamais le premier photographe ambulant noir du Mayombe. Le 28 février 1991, Martin Nkongo Muanda Luvungu quitte ce monde depuis Kinshasa, loin de son fief natal, laissant derrière lui un héritage vivant, un modèle d’intégrité et de dévouement. Un personnage historique qui mérite d’être enseigné aux côtés des autres Congolais ayant marqué l’histoire de la RDC.
Trente et un ans après sa mort, sa progéniture lui rend un hommage perpétuel, garantissant que sa mémoire repose éternellement en paix. Son petit-fils, le cinéaste franco-congolais Ecclésiaste Lemba, lui a érigé un mausolée. Ce monument, entièrement financé par ses fonds propres, est devenu un site touristique emblématique de la région, attirant de nombreux visiteurs fascinés par son élégance architecturale.
Masand Mafuta