De retour d’une résidence à Dakar, Richard Monsembula, dit Monzari, dresse un constat sans complaisance sur la reconnaissance des artistes plasticiens en République Démocratique du Congo et appelle à une mobilisation collective.
Alors que des millions de Congolais suivaient les matchs de football et le concours Miss Univers, Richard Monsembula était, selon ses propres termes, “ le seul représentant de la RDC à Dakar pour l’art plastique ”. Une présence discrète, mais revendiquée. “ Personne n’en a parlé ici, mais j’ai porté mon pays dans chaque trait de fusain ”, confie-t-il, non pas avec amertume, mais avec une urgence palpable.

Cette résidence de trois semaines à l’Institut français du Sénégal, suivie de sa participation à l’exposition Identités linguistiques flottantes à la Galerie Le Manège (du 14 novembre 2025 au 11 février 2026), a été un choc des réalités. Ce qui l’a le plus marqué au Sénégal ? “ La reconnaissance. Là-bas, chaque Sénégalais que j’interrogeais citait cinq plasticiens. Ici, nos artistes sont honorés à l’étranger, mais ignorés chez nous. Mkadima expose en Chine, mais aucun média n’en parle. Pourtant, il porte non seulement le Congo RDC, mais aussi le Congo voisin ”.
Face à ce constat, son analyse est sans appel : “ Ce n’est pas un problème d’être honoré à l’étranger. C’est un problème de ne pas être structuré chez soi. Si nous, artistes plasticiens, ne nous mettons pas en valeur, qui le fera ? Le talent ne suffit pas. Il faut un corps, une politique, une stratégie collective ”. Et de conclure, lors de son récent passage devant la presse : “ Mettons notre ego de côté, construisons un corps d’artistes, influençons le système. Sans ça, l’art plastique congolais cessera d’exister ”.

Monzari incarne une singularité dans le paysage culturel congolais. De son vrai nom Monsembula Nzaaba Richard, il est un “ artiste de la double carte ” : avocat spécialisé en droits d’auteur et dessinateur-illustrateur. Cette dualité n’est pas une contradiction, mais une stratégie délibérée de défense du patrimoine culturel congolais.
Né à Kinshasa, il découvre le dessin comme langage avant même l’écriture. C’est au petit séminaire de Bokoro (Mai-Ndombe) que le geste du crayon devient vocation. Autodidacte rigoureux, il forge un style de “ réalisme inachevé ” où les visages, capturés au graphite et au fusain, semblent suspendus entre présence et mémoire. Son innovation technique, la patine au café, confère à ses œuvres une temporalité archéologique, comme si chaque tableau était un vestige du futur.

Pour son exposition dakaroise, il a présenté deux tableaux de 2×2 mètres sur papier kraft collé sur toile, une technique inédite pour marquer une rupture .
De son expérience sénégalaise, Monzari ramène deux résolutions fortes. La première est pédagogique : “ Je relance des modules de formation pour enfants et adultes. Je veux éduquer les Congolais à la culture du dessin. Il faut créer une collection pédagogique qui initie notre propre peuple ”.

La seconde est une remise en question de sa propre production : “ Mon art, comparé à ce que j’ai vu à Dakar, était statique. Je dois produire davantage, non pas pour le marché, mais pour que mon style de dessin puisse gagner en maturité ”.
Cette prise de conscience s’inscrit dans une vision plus large, résumée par l’une de ses citations les plus frappantes : ” Le Sénégal m’a appris que l’art n’est pas un luxe, c’est une infrastructure culturelle. La RDC a du pain sur la planche. Moi aussi ”.

À travers ses séries Éducation 2.0, Maboko et Bokoko, Monzari interroge la fracture numérique, célèbre la transmission et réconcilie tradition et modernité. En parallèle de sa carrière artistique qui lui a valu un record de plus de 200 portraits par an en 2021 , il poursuit son travail d’avocat au barreau du Mai-Ndombe, défendant les créateurs et formant une nouvelle génération à l’intersection de l’éthique et du crayon.
Monzari ne dessine pas seulement des visages ou des formes ; il esquisse les contours d’une souveraineté culturelle africaine où, pour lui, l’art est un droit, et le droit est un art.
Franklin MIGABO
