Le roman Makila de l’écrivain congolais Elvis Ntambua fait bonne mine sur la scène littéraire internationale. lauréat du Prix Émilie-Flore Faignond et déjà sélectionné ou finaliste dans cinq prestigieux concours littéraires, ce joyau littéraire s’impose comme une œuvre essentielle donnant voix à la tragédie des enfants-soldats du Congo. Ce premier roman de 319 pages, publié aux éditions La Croisée des Chemins, connaît un retentissement exceptionnel depuis sa parution le 1er juin 2024.
Outre le Prix Émilie-Flore Faignond, dont il est récipiendaire, Makila vient de rafler le Prix Senghor du public 2025 du premier roman francophone et francophile. Il a été finaliste pour le Grand Prix du Roman Metis 2024 et le Prix du Roman Métis des Lecteurs 2024. Le roman est également finaliste de trois distinctions en 2025 : le Prix international Cheikh Hamidou Kane, le Prix Mila du Livre Francophone et le Prix Littéraire Athena.

Au cœur de cette œuvre poignante se trouve Tshituala, 11 ans, dont l’enfance s’efface sous une « pluie brûlante » dans un Congo meurtri. La guerre l’arrache à son innocence, le propulsant dans une odyssée forcée où, pour survivre, il faut apprendre à tuer. « J’ai cligné des yeux, le temps a passé. Deux ans se sont écoulés. J’ai treize ans. Je n’ai pas profité de mon enfance. Elle fut courte. Effacée », constate l’enfant-soldat à la page 91.
Le titre, lourd de sens, signifie « sang » en lingala. « Un mot qui résume à lui seul l’univers de ces enfants : le sang versé, la mort omniprésente, le sacrifice imposé », a expliqué l’auteur à la MAP en marge du Salon maghrébin du livre d’Oujda. À travers le récit de Tshituala, Elvis Ntambua documente une réalité si terrible qu’elle en devient presque une « normalité » ignorée.

Le roman plonge le lecteur dans un imaginaire où la symbolique est omniprésente. Des personnages réduits à de simples lettres de l’alphabet aux scènes déchirantes décrites avec une froide précision, tout concourt à illustrer la déshumanisation. « Quand un enfant devient soldat, il n’a plus de place dans la société », souligne l’écrivain.
Makila transcende le simple récit pour devenir une radiographie fine d’une Afrique complexe, où Histoire, politique et culture s’entremêlent. L’auteur, en funambule des mots, trouve un équilibre subtil entre le factuel qui informe et l’émotionnel qui bouleverse. « La guerre change les gens, elle les empoisonne, les détruit même quand la paix les guérit », peut-on lire dans ces pages.

Elvis Ntambua Mampuele, natif de Kinshasa, est bien plus qu’un écrivain. Diplômé en information-communication de l’université Lumière Lyon 2, ce cofondateur de l’événement « Au son de la Rumba » a accompagné la candidature des deux Congo pour l’inscription de ce patrimoine à l’UNESCO. Sur le terrain, il a créé la première boîte à livres de Kinshasa pour rendre la lecture accessible à tous.
Makila s’affirme ainsi comme une œuvre nécessaire, où la littérature devient à la fois sépulture pour les enfances volées et appel vibrant à l’humanité.
Franklin MIGABO
