Quand peut-on parler de la 3e école de la musique congolaise moderne? Quelles sont ses règles et principes fondamentaux? Telles sont les interrogations que nous tentons d’éclairer votre lanterne dans les lignes qui suivent.
Dans le domaine des arts, une école désigne un groupe d’artistes qui se retrouvent autour d’un même maître ainsi qu’une idéologie commune. Ces néophytes le considèrent comme un « deus ex machina », un maître et le prennent comme modèle. Ils sont imprégnés de ses habitudes, son style, son idéal et de sa façon de travailler.
Parlant de la musique congolaise moderne on peut épingler : l’école African Jazz avec Grand Kallé comme maître, l’école Odemba avec Luambo, l’école Afrisa avec Tabu Ley, l’école Viva la Musica avec Papa Wemba et j’en passe.
Le terme maître implique alors l’existence d’une école entendue comme un lieu d’apprentissage.
On parle également d’une école au niveau d’un pays pour désigner un ensemble de compositeurs obéissant à des tendances communes, animés d’un même idéal, usant d’une technique qui, malgré les variations individuelles, présente des faits identiques ».
S’agissant de la musique congolaise toujours moderne dont les débuts remontent des années 1940, il existe jusqu’à ce jour 3 écoles :
- La première école est celle des « musiciens solitaires ». Elle va de 1940 à 1953. On peut citer dans cette catégorie des musiciens comme Henry Bowane, Wendo Kolosoy, Paul Kamba, Yamba-Yamba, Tino Baroza, Antoine Mundanda (du Congo), Bukasa Léon et autres.
- La deuxième école est considérée comme « le développement des groupes musicaux ». Elle débute en 1953, avec l’African Jazz, suivi de l’OK Jazz en 1956. Ces deux ensembles furent les premières formations musicales congolaises composées chacune de près d’une dizaine des musiciens, utilisant les trois familles d’instruments de musique et ayant un répertoire musical plus ou moins bien élaboré. L’African Jazz et l’OK Jazz servirent de référence à d’autres groupes musicaux qui naissaient. Ceux-ci se rangeaient derrière l’un ou l’autre groupe pris comme modèles. Ce pourquoi nous entendons les musiciens congolais dire : je suis de l’école Kallé ou de l’école Franco.
En 1964, des jeunes congolais avaient émigré en Belgique pour raison d’études. Dans le souci de créer le cadre culturel qui leur manquait, ils se réunissaient le soir pour entonner les chansons de Kallé Jeff, Rochereau, Franco, Bombenga et autres musiciens congolais. Ces rencontres ayant pris de l’ampleur, ont donné naissance à des groupes musicaux, entre autres : Yeyé National à Bruxelles, Los Nickelos à Liège, Diamants bleus à Louvain et Ekeizo, à mons. (Ekeizo changera de nom et s’appellera Zaïco).
Los Nickelos fut le groupe le plus célèbre et le plus adulé à Kinshasa.
Ce groupe a organisé sa sortie officielle à la Maison Africana à Liège et s’est distingué par la suite avec des œuvres réussies comme : Topesi kombo Eminence, Révélation, Bolingo ya téléphone, Princessia, Ntubela…
Pendant les vacances, ces étudiants congolais qu’on appelait à Kinshasa «les belgicains», étaient sujets d’admiration des jeunes kinois, particulièrement des élèves. Un concert organisé au bar «Vis-à-Vis », en juillet 1967, aiguisa davantage le goût de la musique chez les jeunes kinois. C’est dans ce cadre qu’on peut situer la naissance des groupes musicaux dont Thu-zaïna, créé par quelques élèves habitant les communes de la Gombe, Lingwala et Barumbu.
Cet ensemble qui est sur les traces de Los Nickelos, se différencie de ce dernier par l’accentuation du rythme, influencé par le groupe OK Jazz. On n’entend pas encore l’animation vive qu’on retrouvera dans Stukas boys et Zaïko langa langa.
La prédominance du rythme sera encore intensifiée en 1968 par le groupe Stukas boys qui va user d’une musique essentiellement d’animation comme nous pouvons l’entendre dans ses premières chansons « Souci » et «Mwasi », œuvres de Gaby Lita qui, malheureusement seront publiées en 1971 après Mosinzo Nganga.
Zaïko langa-langa qui naîtra en décembre 1969 va, dans ses premières chansons, refléter Los Nickelos sur le plan mélodique. Mais, influencé par Thu-zaïna, va opter pour l’utilisation d’un rythme vif.
En 1970, Zaïko langa langa mettait sur disque son premier opus « Mosinzo nganga », une œuvre signée Teddy Sukami. Le groupe prend un envol définitif. C’est la naissance de la 3ème école caractérisée essentiellement par l’abandon des vents et l’utilisation des cris d’animation, de l’animation incorporée dans la chanson et de l’animation destinée à la danse, celle qui donnera, plus tard, naissance aux Atalaku.
Zaiko langa langa est sans conteste le groupe LEADER de la 3ème école, une école qui va de 1970 à ce jour avec deux générations : la première a pour leader, le groupe Zaiko langa langa et la deuxième, le groupe Wenge Musica Tout terrain 4X4. Il sied de souligner qu’il n’existe pas encore une 4ème école dans la musique congolaise moderne comme d’aucuns le prétendent, car depuis 1970, il n y a pas un groupe de musiciens qui s’expriment selon un mode commun différent de Zaïko langa langa.
Colonnel Pamphile Losale, Analyste musicologue
Zaiko langa langa s’est émietté jusqu’à donner naissance à 20 groupes descendants comme le montre l’arbre généalogique ci-dessous :