Sorti aux Editions Edilivre, « La nuit de l’irréparable » est un roman de société de Lambert Kabatanshi, un auteur congolais attitré qui réside aux Etats-Unis d’Amérique. Cet ouvrage est toujours disponible sur le site d’Edilivre et sur Amazon France.
Quid du roman « La nuit de l’irréparable » !
C’était cette nuit-là ou jamais !
Après l’exposition d’œuvres d’art du peintre Lassa, cinq personnages au caractère complexe se réunissent autour d’un permis de tuer. Le commanditaire, le général Longo projette en plus du meurtre de l’artiste, un coup d’État, mais il commet la faute d’inviter son amante, à son bureau la nuit du projet. La journaliste Tuba, passionnée des arts, amoureuse et amante de son professeur d’art, l’artiste Lassa, veut tuer pour se venger et oublier son passé marqué par un viol collectif et le meurtre de ses parents. Wiza, agent de renseignement depuis l’université, est le plus proche collaborateur du ministre de l’Intérieur et de la sécurité du territoire. Méchant jusqu’à l’obsession, il ambitionne de remplacer son chef et saisit l’évènement de l’exposition et ses relents frondeurs pour dresser les prémisses d’un meurtre programmé, adoubé en cela par son chef, le général Longo, ministre de l’Intérieur et de la sécurité du territoire. Le conseiller Lenny, mari fidèle, fonctionnaire compétent, terrorisé par son épouse et son ministre expérimente la brisure de son caractère veule quand, il parvient à affronter le tout-puissant ministre de l’Intérieur et ses sbires pour finir par corriger pour la première fois, brutalement, son épouse.
Feza, l’épouse abandonnée de l’artiste Lassa, reléguée au rang de spectatrice des frasques de son époux volage a enfin l’opportunité de le supprimer.
De cette fresque tragique émerge Lassa, peintre et poète. Il est aimé, détesté, traqué à la fois. Révolutionnaire malgré lui, idéaliste jusqu’à une certaine limite. Dans son cœur, des torrents tumultueux coulent, sans haine, sans jugements. Il défie ses assassins et ne feint pas de les ignorer. Il reste l’ami de son ex épouse qui héberge un gigolo. Il est l’amant de Tuba la journaliste qui n’est autre que la maîtresse du général Longo, le tout-puissant ministre de l’Intérieur et de la sécurité du territoire. Dans ce chassé-croisé de heurts sentimentaux, il y a un prix que l’artiste n’est pas prêt à payer. Pas tant que dans son pays, il fait le constat amer de la désolation des uns et du confort insolent des autres. De la fanfaronnade des élus ridicules et prétentieux, aux lois qui protègent les uns et bannissent les autres. Mais, Lassa est un artiste idéaliste, heureux jusqu’au bout de ses malheurs, parce qu’il pense que le bonheur réside dans son effort de ne pas chercher à comprendre tout ce qui se passe autour de lui et de croire que l’espoir est toujours au bout des frictions et des contradictions pour un peuple qui peut se prendre en charge et des autorités qui peuvent décider positivement pour l’intérêt de tous.
Le roman
D’après, l’écrivain burkinabè Michel Tinguiri, c’est surtout un roman intellectuel, polyphonique. Il le justifie par la structure, le niveau de langage. Dans cette œuvre, assure-t-il, l’auteur dévoile sa maitrise de la langue, son obsession du mot fort, riche, d’une sonorité dense et porteuse des affects pluriels et professionnels.
L’intrigue évolue au gré des chapitres. Dans leur chronométrie, les premiers (1 à 13) abondent en descriptions et analyse des caractères des personnages et une suite narrative pour la compréhension de ceux-ci. Le rythme est plus lent, plus lourd et le style plus ample, la trame psychologique aussi. A partir du 14eme chapitre, les actions entrent en branle (14 à 17). Les personnages impliqués à l’intérieur de ces contours tragiques, se décident. Ceux qui tombent le masque et deviennent potentiellement dangereux, ceux qui reçoivent de plein fouet la révélation de leur ego tourmenté et se dédouanent. Le rythme devient rapide. Les chapitres sont plus brefs. La structure des phrases est plus séquentielle pour des incises insolites permises par l’intrusion de la verve poétique de l’artiste. Une poésie qui brouille le climat délétère de ce complot des personnes qui aiment la personne qu’ils veulent…tuer !
Tous gravitent autour de lui. Lassa, l’artiste et enseignant de peinture. La journaliste Tuba a été son étudiante et son amante. Le conseiller Lenny est son meilleur ami. La fonctionnaire Feza a été son épouse et ils sont séparés. Wiza a été son ami de l’université et enfin le général Longo est …son rival ! Qu’il ne connait pas ou feint d’ignorer.
On est désorienté dans la lisibilité des personnages. Et il y a de quoi !
Au-delà de toutes ces imbrications d’actions qui se solidifient puis, s’étirent et se désarticulent au dernier moment, la philosophie de l’artiste surprend. Il aime ne pas comprendre. Il y trouve du bonheur. Une attitude qui l’empêche de tomber dans l’anarchie passionnelle.
Ainsi se dénoue le roman. Encore une fois, l’écheveau est compliqué et simple aussi. Les mauvais sont tués ou ont une occasion de repentance. L’espoir est à portée de la volonté…
Quand on suit l’actualité politique et socio-économique du Congo-Kinshasa, l’auteur a écrit un roman social dénonciateur et visionnaire.
Il n’est que de s’appesantir sur certains passages pour comprendre la teneur visionnaire de ce livre. Le manuscrit de ce roman a été déposé aux Editions en janvier 2021. Les corrections des épreuves terminées vers le mois de mars, et sa parution en mai. L’état de siège comme solution partielle pour la sécurité de l’est du territoire en question est déjà évoqué par l’auteur bien avant d’être décrété officiellement ! Que dire des phrases qui clouent au pilori des élus du peuple qui « fanfaronnent dans l’hémicycle et se pipolisent. »
Des parlementaires aux « apparitions fantasques qui ne rendent pas au souverain primaire le vote de confiance qu’il leur avait accordé. » Ou alors parlant des lois : « des lois protégeaient, légitimaient les forfaits perpétrés par les plus puissants au détriment de la majorité silencieuse. »
L’auteur passe au crible les avatars d’une société aux strates touchées dans leurs sédiments les plus profonds, visant surtout ceux qui abusent de leur préséance sur les autres : les députés, les pasteurs, les artistes, les hommes d’affaires, les enseignants, les autorités politiques de la base au sommet de l’Etat. Une dénonciation crue qui n’épargne personne et un miroir d’une société prise en otage par les plus puissants depuis plus d’une génération !
Note : Il n’est cité nulle part le nom de la RDC, malgré les indices qui jalonnent ce roman écrit en 2018 durant la période de l’ancien président Kabila et publié en 2020 !
La rédaction