Pr Célestin KABUYA-LUMUNA SANDO, Réflexions sur la démocratie congolaise et ses principaux défis, Préface du Professeur Banyaku Luape Epotu,
Kinshasa, Editions CEDIS, 2017. 208 p.
Présentation par le professeur Célestin Dimandja Eluy’a Kondo
Doyen de la Faculté de Philosophie de l’Université Catholique du Congo (UCC)
Membre du Conseil Economique et Social de la République Démocratique du Congo
Au Collège Boboto (Kinshasa), le jeudi 21 septembre 2017.
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De M. Célestin Kabuya-Lumuna Sando, professeur de sociologie politique, l’ouvrage intitulé « Réflexions sur la démocratie congolaise et ses principaux défis » est une production qui, de par son contenu provocateur et de par sa témérité de pensée, ne peut surprendre que ceux qui ne suivent pas régulièrement l’intérêt « des médecins congolais des politiciens congolais ».
Ne prenez pas l’expression au sens littéral, mais plutôt au sens figuré. C’est, en effet, au cours d’une rencontre fortuite, dans une imprimerie de la place, que le professeur Célestin Kabuya-Lumuna Sando m’a rapporté une inoubliable boutade. A une dame qui lui faisait observer qu’il aimait trop la politique et qu’il était trop politicien, notre collègue a rétorqué, je cite de mémoire : « Non, madame, je ne peux ni trop aimer la politique, ni être trop politicien. Je suis le médecin des hommes politiques !»
La citation peut ne pas être textuelle. Mais elle m’a permis de saisir, par intuition, que l’auteur – même devenu sociologue politique à l’issue de ses brillantes études à l’Université Catholique de Louvain où nous nous sommes rencontrés – n’a jamais perdu de vue que ses premières amours pour les études à l’enseignement supérieur et universitaire congolais l’avaient d’abord orienté vers la Faculté de médecine de l’Université de Kinshasa. Il nous en donne le récit dans « La Kasala du 4-Juin », ouvrage romanesque dont il m’a dédicacé un exemplaire que je garde jalousement.
Quand les spécialistes de psychologie politique ont commencé à faire état de « Ces malades qui nous gouvernent », j’ai toujours eu une pensée discrète pour l’auteur dont nous présentons aujourd’hui l’un de ses innombrables ouvrages scientifiques publiés depuis les années soixante-dix.
Ce souvenir peut nous donner une clé de compréhension des préoccupations actuelles de M. le professeur Célestin Kabuya-Lumuna Sando.
Portant le regard – ne dois-je pas dire le bistouri ? – sur non pas la théorie mais bien plutôt sur « la pratique de la démocratie congolaise » (p. 12), l’auteur rejoint Evelyne Pieiller qui, dans « Le Monde diplomatique » de juin 2017, établissait un diagnostic saisissant sur ce qu’elle appelle les « pathologies de la démocratie ».
Pathologies décelées dans les pays occidentaux mais reconnaissables aussi dans l’histoire politique de la République démocratique du Congo. Elles sont déclinées en termes de mondialisation du capitalisme et de question des hiérarchies sociales ; en termes de suprématie du droit international sur la souveraineté de l’Etat-nation ; en termes de réduction du champ de l’autorité collective face au champ des droits et libertés des individus.
L’histoire politique du Congo semble n’être qu’une histoire des désillusions. Le professeur Jean-Louis Esambo vient de bien le relever. Ces désillusions constituent ce que l’auteur appelle les « principaux défis » de la démocratie congolaise.
Pourquoi le terme de « défis » ?
A en croire le professeur Célestin Kabuya-Lumuna Sando, ce ne sont pas des écueils insurmontables. Ce sont des difficultés réelles devant lesquelles il ne peut s’agir ni de baisser les bras ni d’abandonner le manche après la première cognée. Il est question plutôt, comme le relève le préfacier du livre le professeur Eugène Banyaku Luape d’enfourcher les armes de la raison et de consentir sérieusement et pleinement au droit. A un droit non opportuniste : à un droit entendu en un sens qui place au pinacle et dans le quotidien de nos actions les valeurs républicaines.
A travers des rappels salutaires sur l’histoire ainsi que les valeurs de la République et de la démocratie (premier chapitre, qui court de la page 19 à la page 38 du livre) ; à travers la description de la mentalité congolaise et de la psychologie du Congolais (p. 41-71) ; en dénonçant l’inquiétante instabilité de la Constitution (p. 73-93) ; en dessillant les yeux sur l’absence de mécanismes d’alternance et de la limitation des mandats ou, en tout, sur leur non mise en application (p. 95-138) ; en mettant en exergue la faible représentativité des partis politiques et leur évidente impuissance structurelle (p. 139-166) ; et, pour terminer, en mettant le doigt sur les dichotomies, voire les antinomies entre le fonctionnement des institutions et ce qu’il désigne du nom d’ « entorses des dialogues », c’est toute une histoire raisonnée des ratés intellectuels, sociaux et politiques que le professeur Célestin Kabuya-Lumuna Sando déroule sous yeux et devant notre esprit.
Ce qui nous conforte au sortir de ces pages éclairantes, c’est le souci constant « de dresser et de redresser le front » pour faire allusion à l’ouvrage de la même veine, dû au professeur Isidore Ndaywel : livre qui sera présenté le samedi 23 septembre 2017.
De la sorte, le professeur Célestin Kabuya-Lumuna Sando et d’autres universitaires congolais administrent, par leurs audacieuses et pénétrantes publications, qu’en RDC, l’intelligence n’est pas en veilleuse. Bien au contraire. Les Congolais continuent sans cesse à oser penser ; à ne pas abandonner le présent et l’avenir de leur société à des cerveaux non autrement intéressés.
Du point de vue critique, nous marquons notre accord complet et sans réserves avec un auteur dont – permettez-moi de passer de l’esprit au corps – la barbiche rappelle l’un des traits pittoresques du héros national auquel il a toujours voué une admiration qu’aucune péripétie de sa vie n’a jamais démentie : Patrice Emery Lumumba.
Je vous remercie pour votre bienveillante attention. »
Fait à Kinshasa, le jeudi 21 septembre 2017.