Le réalisateur congolais, Moses Kibambe présente en exclusivité le projet de son prochain film intitulé “Kwame n’est pas mort” qui sera tourné à Kinshasa, capitale de la RD-Congo dans les jours à venir.
Ce long métrage de science fiction propose aux cinéphiles une analyse constructive de la pensée panafricaniste développée par Kwame Nkrumah dans son ouvrage majeur “Africa must unite” publié en 1963. De ce fait, La rédaction de culturecongo.com a eu le privilège d’échanger avec Moses Kibambe, réalisateur de ce film. Ci-dessous la substance de cet entretien.
- Kwame n’est pas mort, pourquoi auriez-vous choisi le personnage de Kwame Nkrumah pour titrer votre film?
L’assassinat de Patrice Lumumba s’inscrit dans une longue liste des meurtres, de coups d’État, d’interventions militaires directes ou indirectes et de manœuvres de déstabilisation contre certains États indépendants d’Afrique et leurs dirigeants.
Renversé par un coup d’État en 1966, Kwame Nkrumah (1909-1972) est, comme Lumumba, l’une des victimes de ces pratiques d’ingérence caractéristiques du néocolonialisme.
Face à cette nouvelle forme de colonialisme, Nkrumah en appelle au panafricanisme. Ayant découvert ce courant de pensée auprès des premiers leaders nationalistes au Ghana, il l’approfondit aux États-Unis au contact de l’effervescence politique qui caractérise la diaspora noire dans les années 1940.
- Quel est le combat panafricaniste mené par Kwame Nkrumah?
Devenu Premier ministre en 1957 puis chef de l’État en 1960, il ne renonce pas au projet panafricain qu’il tente de définir et de défendre au fil de ses discours et de ses ouvrages. Refus du néocolonialisme et panafricanisme constituent les pivots intangibles de la pensée politique de Nkrumah. Au gré des obstacles, des erreurs et des échecs qui jalonnent son parcours ses réflexions sur le socialisme, les classes sociales ou la non-violence connaissent en revanche des évolutions notables.
La Côte-de-l’Or (Gold Coast) dans laquelle naît Nkrumah en 1909 est considérée par la Grande-Bretagne comme une « colonie modèle ». Kwame Nkrumah est un personnage incontournable du panafricanisme, qui a lutté toute sa vie durant pour l’indépendance du Ghana et de tous les pays africains. Ne disait-il pas d’ailleurs : « L’indépendance du Ghana n’a pas de sens si elle n’est pas suivie de la libération totale de l’Afrique » ?
- Quel est le synopsis du film ? Et à quand est prévue sa sortie imminente ?
Ce film que, j’appelle lettre de Kwame Nkrumah aux africains, est un long métrage (FICTION). La date de la sortie vous sera communiquée très prochainement, car c’est encore un projet en développement.
- Quel profil d’acteurs envisagez-vous pour ce film immortalisant le combat de Kwame Nkrumah ?
Concernant les acteurs, je ne préfère pas citer les noms à l’instant même mais ce film fera participer les acteurs de deux CONGOs, du Cameroun et Côte d’Ivoire. Avec une production 100% africaine, son tournage se déroulera à KINSHASA (RDC).
- Quel message vehiculerez-vous à travers cette oeuvre cinématographique?
Ce film propose une analyse de la pensée panafricaniste développée par Kwame Nkrumah dans son ouvrage majeur “Africa Must Unite“, publié en 1963 à l’occasion de l’ouverture du congrès fondateur de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) à Addis-Abeba et distribué aux dirigeants africains présents.
Nous orienterons cette recherche dans une perspective d’histoire intellectuelle afin de porter un regard critique sur la conception et surtout l’articulation du panafricanisme entre les préalables de relecture et recouvrement du passé africain, le constat d’un contexte de décolonisation et de guerre froide marqué par les risques de marginalisation de l’Afrique. Enfin l’édification de l’intégration à travers la mutualisation de ses ressources et sur la base d’un gouvernement continental.
Cette recherche intègre une perspective lexicologique afin d’analyser à travers Africa Must Unite, les stratégies développées par Nkrumah pour convaincre son lectorat ou du moins ses pairs africains. Elle mettra aussi en lumière la dialectique : passé, présent et futur qui structure la conception panafricaine de Kwame Nkrumah et comment cette dernière reflète une volonté de l’Osagyefo de construire son projet dans les plus brefs délais afin d’exorciser les héritages traumatiques de l’esclavagisme et du colonialisme et émanciper le continent africain par le biais de son intégration tout en lui permettant de peser sur la scène internationale.
En outre, ce film permettra de mieux comprendre le personnage historique en lui-même, sa formation, son parcours universitaire et personnel afin d’appréhender dans une perspective d’histoire intellectuelle, l’un des plus actifs militants panafricains du XXe siècle dans toute sa complexité et saisir sa prégnance dans les discours politiques et les imaginaires collectifs du XXe et XXIe siècle.
- Pensez-vous que le temps est propice pour l’unification avec l’arrivée au pouvoir des leaders qui s’affichent comme panafricanistes ?
Je ne peux pas dire que nos leaders actuels vont vers l’unité d’une façon pratique. Après 50 ans, quelle position sur l’unité avons-nous prise ? Je veux dire concrètement que nous n’avons pas fait assez de progrès. Mais ce que je perçois, c’est que les peuples sont prêts. Comment je le sais ? Parce que nous avons essayé différentes mesures, certains pays comme nous, la RDC, ont instauré les règles constitutionnelles, la démocratie, le multipartisme, les élections, la paix, la stabilité, mais les problèmes économiques sont les mêmes.
La majorité de nos peuples souffre. Les gens votent tous les cinq ans, mais rien de concret ne change. Ceci doit nous amener à comprendre qu’il doit y avoir une autre solution. Vous voyez la démocratie seule ne suffit pas parce que nos économies sont très petites. On n’est pas viable. Pourquoi ne cherchons-nous pas cette solution originelle que nous n’avons jamais essayée ? l’unification. Ça pourrait résoudre nos problèmes économiques. Nous n’étions pas faits pour être de petits pays. Sommes-nous ceux qui ont dessiné les frontières pour nos économies ? Non !
Nous ne les avons pas dessinées. Donc, comment peut-on nous attacher à quelque chose que les colonisateurs nous ont imposé ? Maintenant que nous sommes libres politiquement, nous devons au moins décider de la prochaine étape. Est-ce qu’il sera question d’une nation africaine ou allons-nous continuer de souffrir individuellement ? Donc, je pense que les peuples avec l’éducation, une bonne sensibilisation, vont prendre leur responsabilité et forcer les leaders à avancer dans cette direction. C’est le lien qui manque et je pense que nous l’avons compris, les jeunes, les femmes doivent se sentir concernés, les femmes en particulier parce que vous savez quand nous regardons notre histoire, quand il y a un grand changement, une révolution comme une lutte pour l’indépendance, les femmes sont toujours en première ligne. Les femmes représentent la base. Si les femmes s’impliquent, il n’y a pas de raison qu’on ne fasse pas de progrès. Si les femmes soutiennent l’unification africaine, il n’y a pas de raison qu’on n’aille pas de l’avant.
- Quelle histoire se renferme derrière ce réalisateur congolais de renom?
Née le 11 mai 1999 à Kananga, dans la province du Kasaï-Central, dans le nord de la République démocratique du Congo, Moses Kibambe Kayaya, étudiant en Gestion des entreprises à l’université, porte un grand intérêt pour le cinéma très tôt durant l’enfance.
Ce goût est devenu surtout plus grand lorsque sa mère prend l’habitude de les mettre devant la télé ( lui et ses frères et sœurs) devant des programmes des films de catégories diverses (culturel, comique, etc.).
« J’ai toujours eu une très forte passion pour le 7ème art depuis mon enfance. Le fait de regardé en famille des programmes télévisés du cinéma, surtout a développé en moi cet envie très tôt », a-t-elle raconté (Maman).
Depuis que j’ai commencé cet art à mon actif, je compte trois courts et un long métrages et plus de vingt (20) productions côté collaboration. « Je cherche à faire des films pour les autres ! Je ne fais pas de films pour l’histoire du cinéma et je ne fais pas non plus de films comme messages pour le futur. Je fais des films pour mon temps et pour la vie »
- Quelle leçon morale pourrait-on tirer dans ce film?
Le socialisme, comme la démocratie, est une attitude de l’esprit. Dans une société socialiste, ce qui importe c’est cette attitude socialiste de l’esprit qui veille à ce que chacun se soucie du bien-être des autres, non l’adhésion rigide à une ligne politique définie une fois pour toutes.
L’objet de ce film est d’examiner cette attitude, non de définir les institutions nécessaires à sa mise en œuvre dans une société moderne.
Chez l’individu, comme dans les sociétés, c’est une attitude d’esprit qui distingue le socialiste du non-socialiste. Cette attitude est indépendante de la possession ou de la non-possession de la richesse. Certains misérables peuvent être potentiellement des capitalistes, des exploiteurs de leurs prochains. Un millionnaire peut également être un socialiste s’il considère sa richesse seulement comme le moyen de venir en aide à ses prochains. Mais celui qui emploie sa richesse dans un but de domination est un capitaliste. Et celui qui agirait ainsi s’il le pouvait en est également un.
J’ai dit qu’un millionnaire peut être un bon socialiste, mais un millionnaire socialiste est un phénomène. C’est qu’il y a presque contradiction entre les termes. L’existence des millionnaires dans une société humaine n’est pas une preuve de son opulence. Il peut s’en trouver aussi bien dans des pays très pauvres comme la RDC, que dans de riches contrées comme les États-Unis. Car ce n’est pas la capacité de production, ni la richesse d’un pays, qui fait les millionnaires mais bien une répartition inégale de la production…
- S’il faut lancer un message à tous les amoureux du cinéma congolais, lequel serait-il?
Au regard de cette rencontre médiatisée par des images, quand on aime un film, c’est-à-dire lorsqu’on le considère comme un bon objet, nos défenses se trouvent absorbées par son contenu même, par un de ces heureux hasards qui président aussi aux rapports humains et aux « rencontres de la vie », de telle sorte que nous nous trouvons dispensés de les mettre en action.
- Que visez-vous par ce film ?
Bonne question… C’est le moment pour les peuples, le moment pour la détermination populaire, les jeunes. Ce n’est pas une question de secteur privé, ce sont les peuples dans leur ensemble, avec tout ce qui constitue leur force, et en premier lieu les jeunes. C’est dans l’intérêt de tout le monde. Vous voyez, comment pouvons-nous augmenter le niveau de vie de chaque Africain si nous n’utilisons pas les produits de nos voisins ? Nous avons des produits de valeur sur le continent, mais on préfère échanger avec l’étranger. Pouvez-vous imaginer si nous échangions avec nos voisins, entre nous, seul le ciel serait notre limite. Cette unité est pour les peuples, ce n’est pas pour un petit nombre. C’est pour la majorité des Africains. Donc, une fois que les peuples sont sensibilités à l’intérêt de l’unité, s’ils comprennent que c’est la seule façon d’utiliser nos ressources, je pense qu’ils la soutiendront. Ils mettront alors la pression sur leurs leaders afin de faire ce qui est nécessaire. Je pense que le temps est arrivé. - Pour vous, la question est politique ?
Évidemment, ça oriente tout ce que nous faisons. C’est la détermination populaire qui va décider. C’est là où résident nos espoirs. C’est un devoir historique tout comme l’indépendance l’était. Si le XXe siècle a été celui des Indépendances, le XXIe siècle doit être celui de l’unification de l’Afrique. Nous le devons à nos pères ainsi qu’à nos enfants.
Propos recueillis par Masand Mafuta