C’est depuis le 14 décembre 2021 que la Rumba congolaise fait désormais partie de la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. C’est une grande victoire pour les deux Congos.
Face à cette reconnaissance de haute portée internationale, Randy Kalay, animateur culturel et expert en droit de la propriété intellectuelle, s’est livré de vives voix à culturecongo.com, pour en appeler au gouvernement de reconnaître la valeur de tous les acteurs de la Rumba vivants ou décédés pour qu’ils puissent bénéficier d’un gain de satisfaction de leurs œuvres musicales qui constituent dorénavant le musée de la Rumba congolaise.
Nous vous imprégnons de l’intégralité de l’interview qu’il nous a accordée.
Culture Congo : Qui est Randy Kalay sur la scène culturelle congolaise ?
Randy Kalay : Je suis M. Randy Kalay, né et grandi à Kinshasa (RD-Congo), plus précisément dans la commune de Bandalungwa. Juriste de formation, je développe une expertise en Droit de la propriété intellectuelle, dont je me considère désormais comme un fervent militant. De surcroît, je suis animateur culturel, Maître des cérémonies événementiel et artiste chanteur dans mes temps fous.
CC : Quelles sont vos impressions concernant l’inscription de la Rumba congolaise comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité ?
RK : Je ne peux qu’être comblé de joie. C’est une victoire de toute une Nation. C’est une manière de replacer honorablement nos valeurs culturelles dans la mosaïque culturelle de l’humanité toute entière. Désormais, les autres nations la considéreront comme faisant officiellement partie de la World Music à côté d’autres styles musicaux. C’est un sentiment d’estime qui m’habite.
CC : A quoi sera-t-il utile pour tout le peuple congolais ? Et comment le jugez-vous ?
RK : Cette inscription est une marque de reconnaissance d’un style musical qu’est la Rumba congolaise, mais aussi la valorisation de l’identité culturelle des populations de deux Congos. Son utilité réside dans le sceau de fierté sur le plan international que l’UNESCO a apposé sur ses acteurs qui seront respectés sur les planches internationales. Elle est une orientation, une source d’inspiration et de motivation pour les Congolais en vue de développer les autres aspects de la vie (politique, sports, autres arts, vie sociale, vie intellectuelle…) pour d’autres consécrations. Cela redonne d’ailleurs à toute une civilisation ses lettres de noblesse.
CC : Quelle étude comparative faites-vous entre la Rumba ancienne et la Rumba moderne ?
RK : La Rumba congolaise est l’histoire d’un long périple truffé d’influences des mœurs. En effet, la Rumba congolaise développée par ses précurseurs (Rumba ancienne) s’illustrait par le recours à une diversité des thématiques (civisme, faits de société, religion, politique, amour…). Elle avait un regard très averti de la vie en général, avec moins de dépravation de mœurs. Elle était moralisatrice, révolutionnaire et adjuvante. Cependant, celle de la jeune génération à laquelle j’appartiens, est une Rumba qui a perdu un peu de son authenticité à cause de l’implication d’autres sonorités étrangères (Rap, RnB, Trap…). Certes, on dirait autres temps, autres musiques. Mais, il y a lieu d’avouer qu’elle s’attarde en grande partie sur la thématique “Amour” entre l’homme et une femme, très souvent en frisant la désinvolture. Hélas, au nom de sa pérennisation, on l’admet quand même.
CC : Comment les acteurs de la Rumba congolaise, vivants ou décédés, peuvent-ils vivre de leurs œuvres musicales ?
RK : Au-delà de tout, le système de la gestion collective est la voie principale à travers laquelle les acteurs de la Rumba congolaise vivants et décédés (à travers leurs ayants-droits) peuvent vivre de leurs œuvres musicales. Outre cela, il y a d’autres mécanismes inhérents aux démembrements du droit d’auteur, tels que le droit de reproduction, de distribution, de communication au public, de mise à disposition au public, de traduction et d’adaptation qui sont commerciables et peuvent donc être cessibles. C’est bien question d’organisation et de professionnalisme, comme dirait Fally Ipupa (rires !). Cela implique donc un bon management de sa musique.
CC : La question de droit d’auteur est toujours de mise en RDC ?
RK : Bien évidemment, la question du droit d’auteur est toujours de mise en RDC parce qu’elle est garantie dans l’article 46 de notre constitution ainsi que par l’ordonnance-loi n°86/033 du 5 février 1986 sur la protection du droit d’auteur et des droits voisins en RDC. Cependant, une révision de fond en comble de l’ordonnance-loi en la matière est impérieuse en vue d’adapter aux mutations sociales, économiques, juridiques et technologiques de l’heure. Qui plus est, il faudrait l’accompagner des mesures d’application et d’exécution efficaces.
CC : Si ça dépendait de votre personnalité comme activiste du changement, qul ingrédient pourrez-vous apporter à la sauce de la musique congolaise ?
RK : Loin de me prévaloir d’une identité de surhomme, mon combat, je l’ai toujours orienté vers la protection de la propriété intellectuelle en général et des droits d’auteur en particulier. Alors, je ne peux qu’apporter ma pierre à l’édifice en termes de plaidoyer à l’intention des autorités publiques afin de veiller à la révision de la législation sur les droits d’auteur, qui est désuète, tout en la confirmant aux instruments juridiques internationaux tels que les traités de l’OMC sur le droit d’auteur, sur les droits connexes, le Traité de l’OMC relatif aux aspects du droit de la propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC), le Traité de Beijing sur les exécutions audiovisuelles…
C’est d’ailleurs, la raison pour laquelle je me suis vu obligé de suivre des formations en ligne à l’Académie de l’OMPI sur le cours général sur la propriété intellectuelle en 2020 et un cours avancé sur la gestion collective du droit d’auteur et des droits connexes à l’intention des juristes (septembre à novembre 2021) en vue d’apporter mon expertise à l’amélioration de l’écosystème de la gestion collective du droit d’auteur et des droits connexes. De ce fait, je compte organiser des séminaires, des ateliers de formation et de sensibilisation à l’intention des titulaires du droit d’auteur et des droits connexes, afin de leur permettre de jouir de leur travail et de se faire rémunérer à la hauteur des énergies dépensées par la créativité.
CC : Comment voyez-vous de manière concrète l’avenir de la Rumba congolaise sur l’échiquier musical international?
RK : Dans la mesure du possible où il y a encore des pionniers de la Rumba congolaise qui continuent de l’exécuter sur le plan national jusqu’à impacter sur l’échiquier international il y a lieu de croire en son avenir glorieux. Après une consécration de cette grande envergure, il y a un zeste de zèle qui s’est rajouté chez ses pionniers. De génération en génération, elle produit des as qui parviennent à l’exécuter en y impliquant des influences sonores étrangères. Donc, longue vie à la Rumba congolaise !
CC : Que pouvez-vous dire en dernier lieu ?
RK : Merci à vous M. Masand Mafuta, aussi à Culturecongo.com pour cette opportunité qui m’a été offerte pour émettre mon avis sur la Rumba congolaise.
Propos recueillis par Masand Mafuta