Sous les plafonds vibrants du Centre culturel Ndaku ya la vie est belle, à Kinshasa, s’est tenu, samedi 19 juillet 2025, un événement à la fois dense et essentiel : une table ronde nationale sur le livre congolais, organisée par Mlimani Éditions en partenariat avec la Plateforme nationale du livre KITABU, reposant sur le thème poignant : « Le livre, face à la logique du marché international : entre expression créative, logiques commerciales et valorisation des cultures ».
Durant plus de trois heures d’échanges soutenus, un échantillon d’acteurs clés du monde littéraire — écrivains, éditeurs, bibliothécaires, critiques, libraires, enseignants, institutions culturelles et partenaires internationaux — ont confronté leurs visions, leurs espoirs et surtout leurs urgences. Cette rencontre a été résumée par la pensée du livre comme stratégie, au croisement de la diplomatie, de la culture et de la souveraineté.

Un moment de lucidité collective
Cœur Tam Tam Kabuyaya, Co-fondateur de Mlimani Éditions et initiateur de la table ronde, résume avec clarté l’esprit de la rencontre :
« C’était un moment de réflexion et d’échanges profonds pour analyser les enjeux des acteurs du livre en RDC. Les défis et les opportunités ont été abordés, afin de voir comment élever ce secteur qui se heurte à de nombreuses difficultés, notamment pour mieux se positionner à l’échelle internationale. »

Les défis sont bien présents : faible structuration de la chaîne du livre, absence d’une politique publique forte, difficultés d’exportation et de traduction, et accès limité aux financements. Pourtant, les ressources sont là : talent, volonté, créativité. Cette table ronde en a été une éclatante démonstration.
Des recommandations concrètes
Face à l’ampleur des obstacles, les participants n’ont pas voulu se contenter d’un constat. Ils ont formulé une série de recommandations, qui feront l’objet d’une note de plaidoyer à destination des institutions compétentes. Au cœur de ces recommandations se trouve une idée phare :

« Mettre en place une grande structure du livre à l’échelle nationale, capable de fédérer les acteurs de la chaîne du livre et de servir de pont avec les institutions qui promeuvent le secteur », a-t-il ajouté.
Ce projet de la plateforme nationale des professionnels du livre vise à créer un espace permanent de dialogue, de formation, de plaidoyer et de coordination pour tous les maillons de la chaîne du livre. Une structure capable de porter une vision commune lors des discussions politiques, économiques et diplomatiques.

Vers une dynamique de transformation
Cette volonté de structuration n’est pas vaine. Elle est nourrie par une conscience claire des enjeux et des failles actuelles.
« Le problème que nous avons est un problème de structuration. Nous sommes fragiles parce que nous évoluons chacun de notre côté. Mais si nous fédérons nos efforts avec le soutien du ministère, nous pourrons devenir plus forts », a-t-il rappelé.

La création de cette plateforme apparaît ainsi comme le point de départ d’une nouvelle dynamique : renforcer les synergies, accroître la visibilité internationale des œuvres congolaises, améliorer la formation, faciliter la circulation des livres, développer des politiques d’exportation, négocier des droits d’auteur plus justes, et mieux se positionner dans les foires et marchés internationaux.
Une promesse de souveraineté culturelle
Au-delà des aspects techniques, c’est une vision politique et culturelle forte qui s’est dessinée lors de cette rencontre. Faire du livre non pas seulement un simple objet commercial, mais un outil de transmission, une arme douce de souveraineté, un levier de diplomatie culturelle.

Parce que le livre congolais n’est pas une marchandise comme les autres. Il est mémoire, résistance, identité. Il porte une parole enracinée, qui aspire à résonner bien au-delà de ses frontières.
Sept acteurs littéraires majeurs ont pris part à cette activité et ont fait entendre leur voix pour un avenir radieux de la chaîne du livre en République Démocratique du Congo. Il s’agit de Molakisi Edimo Limbidi (Éditions Buku Bwa Molakisi), Ghislain Kabuyaya, dit Cœur Tam Tam (Mlimani Éditions), Destin Weragi (Andi Books), Landry F. Mussaka (Éditions Okapi), Christian Gombo (Éditions Nzoi), Youssef Branh (Éditions Mikanda) et Joyeux Ngoma (écrivain et opérateur culturel). »

Ce ne sont pas seulement des voix qui se sont élevées lors de cette activité d’envergure littéraire, mais c’est une stratégie culturelle qui est née, portée par une foi intacte : foi en nos récits, foi en nos voix, foi en notre capacité à écrire notre monde pour être lu partout.
Nuru Kakore