“Ce texte est une transcription simple et claire de l’état de l’Homme qui meurt dans l’homme”, après près de 3 minutes de sifflet d’alerte, Youssef Branh lâche les premiers mots du spectacle tiré de son propre recueil de poèmes.
Negue Fly a transformé ce 21 septembre le recueil de Youssef Branh en une arme de dénonciation. Pendant 50 minutes, les spectateurs ont assisté à une performance théâtrale audacieuse, pointant du doigt la mauvaise politique des dirigeants africains et l’influence ambiguë des religions sur la société.
La scène était simple mais symboliquement puissante : quatre tables, chacune représentant un aspect critique du système. La première, où Calvin Ngao, déguisé en politicien, vendait des aphrodisiaques et des stimulants dans des bouteilles en plastique. Une satire acerbe contre la corruption et la marchandisation du pouvoir, où les dirigeants sont dépeints comme des charlatans, vendant des illusions à la population désespérée. Calvin Ngao incarnait cet homme politique déconnecté, se nourrissant des superstitions et des faiblesses de ses citoyens pour se maintenir au sommet.
À la deuxième table, l’image d’une religion captive. Une grande croix en bois dominait la scène, et Negue Fly, bouche bandée, se tenait là, immobile. Son mutisme symbolisait la complicité silencieuse des institutions religieuses face aux abus du pouvoir et à la misère du peuple. La religion, dans cette mise en scène, apparaît comme réduite au silence, soumise aux puissances politiques, incapable de défendre ceux qu’elle prétend sauver. Cette scène a marqué le public, dont les applaudissements ont souligné la puissance visuelle et émotionnelle du tableau.
La troisième table, tenue par Youssef Branh déguisé en clochard, vendait des livres. Ici, l’éducation et la culture, marginalisées, sont reléguées à un statut dérisoire, accessibles seulement à ceux qui s’aventurent hors des sentiers battus. Une critique amère de l’abandon des intellectuels et de la dévaluation de la connaissance dans les sociétés actuelles.
Enfin, la dernière table, couverte de bouteilles de bière, incarnait l’ivresse des nuits de Kinshasa. Une métaphore de l’évasion face à la réalité, où les distractions sont multipliées pour que la population oublie les injustices qui la frappent quotidiennement. Cette scène illustre le cycle d’amusement effréné et de consommation qui anesthésie les esprits, laissant place à une acceptation passive des maux de la société.
Le public, loin d’être de simples spectateurs, a été intégré à la performance, devenant eux-mêmes des acteurs de cette dénonciation. À travers des interactions directes avec les artistes, chacun était amené à réfléchir et à participer à la critique. Ce jeu constant entre la scène et la rue faisait écho à la réalité quotidienne, où chaque citoyen est, consciemment ou non, partie prenante de ce système défaillant.
La mise en scène percutante et l’audace narrative de Negue Fly ont été largement saluées. « Etcétèra » n’a pas seulement présenté un spectacle, il a ouvert un débat, une réflexion collective sur les failles des politiques africaines et le rôle ambigu des religions dans la gestion de ces crises.
Pour conclure cette soirée marquante, les artistes ont annoncé la poursuite de leur tournée à Mbanza-Ngungu, dans le Kongo-Central, où ils continueront à faire entendre cette voix de résistance. La route est encore longue, et « Etcétèra » se pose comme un cri artistique et poétique face aux injustices sociales, politiques, et religieuses qui gangrènent la société africaine.
La rédaction